OreilleG100

La Baraka d'un FFL 40



13. FRANCE

Et, le surlendemain, 1er Août 44, nous débarquons à GRANDCAMP, en NORMANDIE, en FRANCE METROPOLITAINE, après plus de quatre ans d'absence, en ce qui me concerne.

 Mon Commandant de Batterie, parti en reconnaissance, nous démarrons avec toute la batterie, à la nuit tombée, tous feux éteints, vers le Sud. En tête, mon chauffeur PUJOL, conduit notre 4X4. A l'arrière de chaque véhicule, se trouve un cataphote (que nous appelons les yeux de chat). Chaque chauffeur s'efforce de maintenir sa distance, suivant la position de ce cataphote.

 Au cours de la nuit, des lumières apparaissent, dans le ciel.

" Mon Lieutenant, la guerre est finie, me dit PUJOL, regardez, il y a le feu d'artifices".

 Ce qu'il ne sait pas encore, mon PUJOL, c'est que ce feu d'artifices, ressemble, étrangement, à des fusées éclairantes !

" PUJOL, je prends le volant".

 Sans s'arrêter, nous échangeons nos places, en utilisant l'accélérateur à main, et, par radio, j'annonce:

" Allo tous, je passe à 50 miles en tête, suivez."

 Nous sommes éclairés, comme en plein jour. Les bombes" Papillon" commencent à tomber, à droite et à gauche de la route, mais aucune sur la route. Des éclats, par contre, partent, dans toutes les directions.

" Mon Lieutenant, vous n'avez pas peur?"

" Si, pourquoi?".

" Alors, on devrait s'arrêter?".

" Ce n'est pas le moment, il y a des bombes".

" Ah, ah, OUI!".

 Pour PUJOL, dont c'était le baptême du feu, une vraie révélation: Il n'était pas seul à avoir peur, tout le monde avait peur. (SAUF LES INCONSCIENTS !) (Même TURENNE, le GRAND TURENNE, avait peur: tu trembles carcasse, mais tu tremblerais encore bien plus, si tu savais, où je vais te mener, tout à l'heure). Et c'est normal. Par contre, il ne faut jamais succomber à la PANIQUE.

L'ennemi, ravi, n'attend que cela, pour faire UN BON CARTON !

Faire son travail, comme si rien ne se passait d'anormal, voilà l'important. Et le meilleur moyen, généralement, de s'en tirer !

 Un peu plus loin, mon Commandant de Batterie, inquiet, nous attendait. Et j'eus le plaisir de le rassurer:" Pas de dégâts!".(LA BARAKA ? !)

 Après cette première expérience, mon PUJOL s'est, ensuite, parfaitement comporté, au cours de nos campagnes.

 En repensant à cette nuit, je me demande encore, ce qui se serait produit, si j'avais eu le MAUVAIS REFLEXE, de stopper ma batterie, au lieu de lui demander de FONCER, lui évitant le danger, plus important, du bombardement EN PIQUE, beaucoup plus meurtrier. A quoi tient le destin?  Peu de choses.

 Le dépanneur m'a dit, que sa vitesse, à l'arrière, avait parfois dépassé les 60 miles. Heureusement, que les virages, sur cette route, étaient plutôt rares.

 Nos 40 Bofors, huit par batterie, au lieu d'être tractés, avaient été démontés en AFRIQUE DU NORD, et placés, directement, sur le GMC, devenant un véritable autocanon, non blindé. Bénéficiant de nos expériences africaines, des vérins, faciles à mettre en action, en assuraient la stabilité, et la mise en batterie, devenait presque instantanée. (On se débrouille dans la COLONIALE!).

 Notre groupe disposait de quatre batteries identiques, réparties généralement, une par groupement tactique, et une, à la disposition du Général.

 Notre Division fait partie de la 3eme Armée américaine, du bouillant Général PATTON, et cause des pertes effroyables aux Allemands: 10 fois supérieures aux nôtres (En 1940, c'était l'inverse, du côté de SEDAN !)(Chacun son tour !)

 Nous avançons sans arrêt. Devançant la Division, LECLERC en personne, accompagné de DE GUILLEBON, (encore une figure de grande réputation!), s'assure que les ponts d'ALENCON sont intacts, et ceci vers le l2 Août. Le 21, on est déjà à ARGENTAN.

 Le 22 au soir, la batterie est à FLEURE, près du P. C. de LECLERC, et j'ai le PRIVILEGE, de voir LECLERC, en personne, sauter de sa jeep, en coup de vent, et dire à son Chef d'E. M.:

" BERNARD, MOUVEMENT IMMEDIAT SUR PARIS".(RIEN QUE ça !) G-Leclerc-001b1.gif

 Dans la nuit, nous sommes repartis, tous feux éteints, par une nuit particulièrement noire, en se repérant sur le haut des arbres, et les cataphotes. Encore deux jours de résistance allemande et, le 25 Août au matin, la batterie s'arrête près de MONTPARNASSE, dans PARIS. L'accueil des Parisiens, est tout simplement fabuleux. Nous avons eu beaucoup de mal, à nous frayer un passage, tant la foule était dense.

 J'ai réussi à téléphoner, à la tante Blanche, du Bd des Invalides, qui m'a donné de bonnes nouvelles de mon frère. Suzanne, par contre, est décédée, ce qui m'a fait, énormément de peine.

 Le lendemain, 26, la batterie repart, en avant-garde, à ST DENIS, et c'est là que mon frère m'a retrouvé, après cinq ans de séparation (Une paille!).

 De temps en temps, mais à intervalle régulier, un obus allemand tombe sur un carrefour voisin, qu'ils veulent interdire. Cet intervalle étant connu, et semblant immuable, franchir le carrefour, devient un jeu d'enfant.

 En tant qu'adjoint à mon commandant d'Unité, j'étais le censeur, pour tout le courrier postal, de la batterie, avec mon cachet, que je devais apposer, sur chaque lettre contrôlée, avant expédition.

 Toute lettre m'était remise ouverte, à charge pour moi, de la refermer définitivement, après m'être assuré, qu'aucun secret militaire, ne s'y était glissé. Toute imprudence était découpée, impitoyablement. La lettre, la plus amusante, que j'ai eu à contrôler, ne m'a réellement pas donné, beaucoup de travail. En haut: Secteur postal... le.... Un tout petit peu, plus bas:" Ma chère soeur", à l'intérieur de la feuille unique, un énorme trou, allant pratiquement jusqu'en bas, et, de l'autre côté, tout en bas:" Ton frère, qui t'aime", et la signature. J'ai téléphoné à l'expéditeur, qui m'a répondu, qu'il n'avait pas le temps d'écrire, mais qu'il tenait cependant, à ce que sa soeur ait de ses nouvelles! (Le censeur avait bon dos! mais la lettre a été expédiée!).(Aucun secret militaire !)

 Après un passage important, comme celui de PARIS, le nombre de marraines de guerre, augmentait considérablement, et le courrier d'autant. D'où, un surcroît de travail, pour le censeur.

 La marche vers l'Est, reprend: CONTREXEVILLE, VITTEL.

(Des Anglais,  tout  heureux, d'être libérés par des Français !) Le 13 Septembre est mémorable, à cause de DOMPAIRE, petit village non loin d'EPINAL. Les blindés allemands, tout neufs, s'y sont faits piéger, et tailler en pièces, par les Thunderbolts, et les P 38, appelés à la rescousse, et ravis de l'aubaine.

 La 112eme Panzer, y perd 60 chars, sur les 90 qu'elle possédait, et du tout dernier modèle (Plaque d'immatriculation du 15/8/44).

 Le 22 Septembre, on est déjà à FLINS, les Allemands reculent toujours, et la 1ère Armée Française, de de LATTRE de TASSIGNY,avec ses cinq divisions, s'approche de nous, après avoir débarqué en PROVENCE.

 Puis, brusquement, les Américains ayant besoin de souffler, on va prendre la vie de secteur. Patrouilles, embuscades. Le personnel libre de la batterie, forme un groupe franc, aux ordres de l'Adjudant-Chef. Des Allemands viennent parfois se rendre, surpris et inquiets de tomber sur des Français inattendus, alors qu'ils espéraient se rendre à des Américains. Blessure amusante, au cours d'une de ces patrouilles. Un de nos hommes, a les deux fesses traversées, sans gravité, par une seule balle, qui a eu la politesse, de passer dans le gras, et de ne pas faire de dégâts. Ce qui a permis au toubib, de faire un jeu de mots, demeuré célèbre:" C'est la première fois, que je vois cinq trous de balles, d'un coup! "

 Sur le plan sanitaire, il est très important aussi, de signaler, que nos hommes, hospitalisés, s'évadaient des hôpitaux, dès qu'ils se sentaient guéris, dédaignant toute convalescence, et rejoignaient la batterie, dans les plus brefs délais. Les hôpitaux signalaient les disparitions à l'Autorité Militaire, qui faisait faire des recherches, par les gendarmeries, pour retrouver les déserteurs. Il nous était heureusement facile, de démontrer que les prétendus déserteurs, n'en étaient pas, au contraire, leur véritable désir, étant d'être, le plus vite possible, auprès de leurs camarades de combat.

 La moyenne d'âge de nos hommes, était, extrêmement basse. Un brigadier, ayant atteint la quarantaine, faisait mine d'ancêtre. Mais son flegme  est devenu célèbre, à la suite d'un incident, où il l'avait échappé belle. Il préparait, tranquillement le café, pour tous les hommes de sa pièce, dans une belle cafetière récupérée, lorsqu'un gros éclat d'obus de coup fusant haut, de réglage, allemand, est passé, à quelques tout-petits centimètres de sa figure, détruisant la belle cafetière. Seule réaction du brigadier, digne d'un Britannique accompli : " Les vaches ! Il va falloir, que je trouve une autre cafetière. "

 Le 1er Novembre, BACCARAT est prise, par surprise, libérée après une petite opération de remise en forme.

 Le 13 Novembre, avec la 7eme Armée de PATCH, l'offensive va pouvoir reprendre. BADONVILLIERS pris, CIREY SUR VEZOUZE est atteint.

 ET, LE 23 NOVEMBRE 44, la ligne de défense des Vosges, bousculée en plusieurs endroits, STRASBOURG EST PRISE. LA 2eme DB A ETE IRRESISTIBLE ET LE SERMENT DE KOUFRA A ETE TENU.

  Depuis CIREY SUR VEZOUZE, en arrière-garde, notre batterie passe, en avant-garde, à NEUDORF, au Sud de STRASBOURG.

 J'avais d'abord installé le P. C. de la batterie, dans une caserne mais, mon Commandant de Batterie, ayant déniché, la maison plus confortable, d'un collaborateur, possédant une bonne cave, nous avons aussitôt déménagé, sans perdre au change, bien au contraire.

 Dans la nuit, la caserne a reçu quelques obus allemands, dont un, à l'endroit exact, où j'avais installé le PC de la batterie, la veille. Le destin c'est ça! Toujours être dans le zig, quand le danger est dans le zag! (Pour ne pas en être la victime).

 La chance est avec nous, car un autre obus est tombé, à l'emplacement précis, où était une pièce, avant d'avoir eu l'autorisation, de se replier, pour la nuit, dans un coin plus confortable!

 Chargés de la protection du PC de LECLERC, nous avons pris position à ERSTEIN, à une vingtaine de kilomètres, au Sud de STRASBOURG. Les Allemands doivent être au courant car, en l'espace de huit jours, nous avons eu la visite, d'une centaine de Messerschmidts lO9, et de Focke Wulf l90, qui se sont amusés, à nous taquiner en piqué. Sept d'entre eux, (dont un Focke-Wulf l90) ne sont pas rentrés. Le 40 Bofors, adore les avions en piqué.

 D'ERSTEIN, nous sommes repartis pour OBERNAI, où nous sommes logés chez l'habitant. Les pièces, près des fermes, pour pouvoir intervenir instantanément, grâce à la radio, en écoute permanente, et au téléphone, relié au P. C.

 Les habitants sont intelligents. Ils sont tout heureux, de recevoir la totalité de nos rations américaines, et nos hommes, de manger frais, les repas mijotés, par la maîtresse de maison. Réellement, on fait bon ménage. Personne, dans ces conditions, n'est tenté de chaparder. Punitions en moins, tout le monde y trouve son compte !

 Petit à petit, les cinq divisions, de la 1ere Armée Française, sont à pied d'oeuvre, et vont pouvoir nous remplacer, ici, car la contre-offensive de VON RUNSTED, dans les ARDENNES, ayant fini par inquiéter les Américains, nous avons été appelés, en renfort.

 Nous étions trop bien, à OBERNAI, où les maisons sont très bien chauffées. Il a fallu retraverser les VOSGES, en voitures découvertes, par moins 28° (Cet hiver est rigoureux). Ce qui fait 98°, de différence, avec l'année dernière dans le désert, où nous avions enduré, 53° à l'ombre, soit 7O° au soleil !

 Très rapidement, nous avons repris le terrain, abandonné par les Américains qui, ayant repris confiance, en constatant, que les Allemands étaient beaucoup moins nombreux, que présumés, nous ont remplacés définitivement, et permis d'aller prendre un repos bien mérité, dans la région de CHATEAUROUX, notre batterie à MARON, chez l'habitant. (Excellent souvenir !)

 Un mois environ, pour remettre tout le matériel en état.

 Fin avril 45, on repart; notre batterie prend position, autour du terrain d'aviation, de MERIGNAC (Près de BORDEAUX).

 Les Allemands nous ont laissés les morpions, petites bêtes accrocheuses en diable! Heureusement, les Américains nous ont apporté du DDT. (Particulièrement efficace).

 Nos troupes disposent de huit jours, pour enlever la poche de ROYAN, que les Américains bombardent, inutilement. Cinq jours auront suffi. La réputation de la 2eme DB était déjà arrivée jusqu'ici ! Pas de doute, une bonne réputation, ça sert!

 Nouvelle mission: rejoindre l'Allemagne, où tout semble se précipiter.

- 1ere étape: région de CHATEAUROUX
- 2eme étape: LA CHARITE SUR LOIRE
- 3eme étape: Région de CHAUMONT
- 4eme étape: Région de SARREGUEMINES

NOUS  NE SOMMES PLUS EN FRANCE !


 
 

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