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L'HISTOIRE de HENVIC ...

par Mme Jeanne SAOUT.


HENVIC porta jusqu'au 18ème siècle le nom de HEN-GUIC. Ce nom signifie VIEUX-BOURG, car ici se fixa sans doute la première peuplade de la presqu'île, comprise entre PENZE et la rivière de MORLAIX.

Cependant, sur la côte, les hommes de la préhistoire avaient choisi ce pays puisqu'il y eut un dolmen et un menhir à LINGOZ, tous deux malheureusement disparus ... ainsi que le tumulus de GOAREM ar JUSTIS et celui de la Croix de KERICHARD.

Les Romains, à leur tour, s'installèrent chez nous. Il y eut, dit-on, un poste militaire à LANGROAS, point culminant de HENVIC d'où l'on pouvait surveiller la mer. Seuls subsistent quelques tronçons de voies romaines que les champs n'ont pas encore envahis.

Dans le sillage des Romains vinrent les premiers apôtres de la religion chrétienne: St POL en Léon, vers les années 400 et 500, ainsi que St CARANTEC, puis St MAUDEZ et sa soeur Ste JUVELTE. Ces derniers, enfants d'un prince d' IRLANDE (région de l'ULSTER) sont devenus les patrons de HENVIC.

St MAUDEZ parcourut tout le nord de la Bretagne, convertissant et fondant des monastères (simple assemblage de huttes autour d'une petite chapelle en bois); c'est ainsi que fut fondé le premier bourd de HENVIC au lieu-dit le MENEC'H (pluriel de Manac'h: moine). c'était un lieu très boisé, et même sans doute un champ sacré des Druides comme en témoignait la présence de vieux ifs centenaires. Hélas, notre dernier if a disparu un jour de kermesse, dans une vrai tornade dont beaucoup se souviennent.

Et le nom même de la petite place "AR C'HOAT", le bois, a également disparu.

Les moines évangélisaient, défrichaient et cultivaient la terre; les habitants des forêts, peu à peu, s'installaient près d'eux. Mais vinrent les VIKINGS. Ces hommes débarquèrent et ravagèrent le pays vers l'an 878. Il fallut tout reconstruire. Mais versl'an 1000, on construisit en pierre.

De l'époque romane (12ème, 13ème siècle), subsistent les sousbassements et piliers en bordure de route, ainsi que le porche ajouré de trois arcades. Il est surmonté d'une chambre d'archives.

On dit que les Templiers s'installèrent aussi chez nous, ce qui n'a rien d'extraordinaire quand on sait qu'ils avaient une commanderie importante à PLOUENAN.

Le clocher est plus récent et date de l'époque HENRI IV ou LOUIS XIII. Il faut remarquer la balustrade en saillie toute ajourée et le petit beffroi surmonté d'une légère flèche qui servit d'amer aux marins de la région pendant très longtemps. Ce clocher fut élevé à la suite du désastre de 1522.

A cette date, le bourg de HENVIC qui comptait déjà de belles maisons nobles et plusieurs auberges et hôtelleries, fut détruit et presque entièrement brûlée lors de l'attaque de MORLAIX par les Anglais. Ces derniers étaient descendus dans la baie, au FROUT, et s'étaient emparé du chateau de LEZIREUR, qui après avoir été assiègé fut brûlé.

Il faut cependant dire que les Bretons avaient également brûlé BRISTOL quelques temps auparavant
L'architecte BEAUMANOIR construisit donc un nouveau clocher dans son style particulier qui se rencontre souvent dans le TREGOR. C'est le clocher mur avec sa tourelle d'escalier.


Vieille Eglise
Statuette du Porche

La vieille église est classée monument historique, ainsi que le mur du placître.

Cet entourage rustique fut construit avec les pierres de l'église lorsqu'elle fut réduite à ses dimensions actuelles (vers 1900 lors de la construction de la nouvelle église). 
Le porche d'entrée du placître est surmonté de vieilles statuettes, derniers restes d'un calvaire brisé sous la révolution de 1789 qui fit chez nous d'irréparables dégâts.
On peut aussi voir un petit autel extérieur dont les personnages ont étés mutilés à cette même époque. Il est dressé sur des pierres tombales dont l'une porte encore les armes des CREMEUR, seigneurs de QUISTILLIC.

Heureusement, l'autel principal fut sauvegardé, on peut aujourd'hui l'admirer dans la nouvelle église. Il relate la vie de St MAUDEZ et de Ste JUVELTE.Deux personnages: la Vierge et St Jean, sont seuls préservés d'une tres vieille Piéta.
En 1455, le maître-autel était déjà en place entouré des autels de St FABIEN, St SEBASTIEN d'un côté et de l'autre Ste CATHERINE et Ste BARBE. Car elle était basse, mais assez vaste cette église. Il y avait en outre de nombreux enfeux et tombes seigneuriales et même des vitraux armoriés.

Elle devait aussi être très belle si l'on en croit le Chanoine de Léon, Louis JACOBIN, venu à HENVIC en 1613 pour une cérémonie religieuse car il signale à son Evêque "la jolie petite église de HENVIC, l'une des plus belles de la campagne, cachée et abritée des vents par un bouquet d'arbres". On comptera encore près d'une centaine d'arbres en 1794.

 Des temps anciens, que nous reste-t-il aujourd'hui ?

la vieille église bien sûr, nous en avons déjà vu un aperçu assez sommaire mais suffisant pour que nous y tenions fortement; c'est le livre d'histoire de HENVIC.

Lezireur




Il nous reste cependant quelques vieux murs qui furent jadis des chateaux assez importants:
LEZIREUR, dont l'ancien nom était LISSILOUR. Ce fut une puissante demeure seigneuriale; vers 1421 elle appartenait à Yves KERIGOU, maître d'hôtel de la Duchesse Jeanne De FRANCE, fille aînée du roi CHARLES VI.

En 1460, LEZIREUR revint à Jean GUIZCANOU dont les armes "d'argent fretté d'azur" sont gravées sur la belle vasque de granit que l'on peut voir encore dans la cour de la ferme du château.





Les GUIZCANOU, alliés aux KERRET, avaient une fière devise:
"Kenta tud a oa er ded oa GUIZCANOU ha KERRET"
que l' on peut traduire :
"Les premiers habitants de la terre étaient GUIZZCANOU et KERRET"

Mériadec de GUIZCANOU fut capitaine de la maison d'Anne de BRETAGNE; il épousa une Dame d'honneur de la Duchesse ANNE.

Le Passage de la Corde

Le roi de France LOUIS XII accorda au seigneur de LEZIREUR le droit de tenir une foire annuelle au bourg de HEN-GUIC. Ils possédaient en outre depuis fort longtemps les droits de "haute, moyenne et basse justice". Les fourches patibulaires étaient dressées à LANGROAS sur le tumulus de "GOAREM ar JUSTIS", et le chemin qui y menait se nommait encore jusqu'à ces dernières années "stéat an anaon", "chemin des tépassés".

LEZIREUR possédait aussi les droits de passage de la corde.

KERILY, qui fut un château fort, berceau de la famille des KERMELLEC dont l'écusson portait "une fasce chargée de trois molettes", signe de chevalerie.

QUISTILLIC, autrefois KASTELLIG, petit château , avait parait-il fière allure lorsque son donjon se mirait dans la PENZE.

En 1392 il appartenait à Margillie LANUZOUARN qui le revendit. L'acte de vente fut passé devant la cour d'Alain De ROHAN, sire de Léon résidant à PENZE.

Il appartint ensuite aux KERLOUAGUEN, aux JEGOU du LAZ puis aux CREMEUR dont la dalle funéraire en ardoisine se voit encore sous le petit autel de granit dans l'ancien cimetière. On devine à peine leur écusson portant "trois feuilles et une étoile en abyme".

Kerdanet
Ecusson de Kerdanet

KERDANET, fut démoli en grande partie après la révolution. C'était un château du 17 ème siècle, flanqué d'une tourelle contenant l'escalier qui subsistat jusqu'en1884. On peut encore admirer au dessus de la porte l'écusson écartelé aux armes des "GOURIO, PENHOADIC, MESCAM et MARC'HEC". En 1658 y résidait noble et discret Messire Claude de PENHOADIC, chanoine et théologal de Léon, recteur de HENVIC.

FEUTEUN-SPEUR, vit naître aussi un célèbre théologien en 1596, Roland de POULPIQUET, grand juriconsulte 1er dignitaire et vicaire général de Léon. Il écrivit de nombreux ouvrages, introuvables aujourd'hui.

COAT-PLOHOU, possédait une chapelle en son jardin. C'était le domaine de Guyon LE NOIR,seigneur de ce château en 1539. Il passa ensuite aux TREFALIGOU.

LE HEDER, était la demeure des HENRY du HEDER, écuyers dont les noms se trouvent très souvent dans les vieux registres de HENVIC. Le château fut incendié et il n'en reste que quelques pierres.

CASTELLENEC, appartenait en 1533 à Marie de KERMELLEC. Cette famille, originaire de HENVIC a donné plusieurs gouverneurs à la ville de MORLAIX.

LINGOZ, près de l'estuaire de la Penzé ne conserve plus que son corps de logis aux murs très épais, et son souterrain menant à la grève. Sur son territoire se trouvaient le menhir et le dolmen, hélàs disparus !

COATALEC, garde en son vieux mur sa vielle et naïve statue de St GILDAS dont la chapelle était toute proche.

HENVIC possédait encore beaucoup d'autres manoirs:

COATGLAS, GOASKELLEN, LE VERN ou LAUNAY, GOSCHENEVEL, LE GUILLY, pour ne citer que ceux dont quelques traces subsistent encore.

Mais il reste TROGRIFFON.

Ce fut d'abord un relais de chasse, une gentilhommière qui appartenait au XV ème siècle à Jehan le MOYNE, seigneur de COATUDAVEL. En 1578, la famille TOURNEMOUCHE en était propriétaire. Puis ce furent les QUINTIN-KERSCAO.

TROGRIFFON vit passer bien de nobles familles. Les plus célèbres furent les COETANLEM et les DE GRAINVILLE.

Les COETANLEM étaient des armateurs et des corsaires morlaisiens. Un certain Pierre de COETANLEM fut prisonnier sur parole durant la révolution de1789. Et pendant que tous les nobles du pays se cachaient ou s'exilaient, surtout en Angleterre, Pierre de COETANLEM employa sa captivité volontaire à écrire un dictionnaire Breton-Français.

Une demoiselle COETANLEM épousa plus tard, un monsieur De L'ESPINE -De GRAINVILLE.

Leur fils, Adrien De GRAINVILLE fut maire de HENVIC. Il fit bâtir l'école publique et le presbytère, et demanda, déjà en 1872, un pont au passage de la Corde. Son fils Charles lui succéda et fut également maire de HENVIC.

Ses soeurs, les demoiselles Marie, Anna et Constance furent connues et aimées pour leur grande bonté de tous les anciens de HENVIC.

TROGRIFFON possédait une chapelle, un vieux moulin encore debout près de la porte d'entrée et son moulin de mer, Ar Vilin Vor, qui s'écroule hélàs dans la Penzé.

Après les châteaux, quels souvenirs du vieux temps nous reste-t-il à HENVIC ?

La vielle église bien sûr; nous en avons déjà parlé. Il nous reste encore les chapelles et les croix de carrefours. Seule Ste Marguerite, au vieux Passage de la Corde est encore debout.

Elle fut sans doute bâtie par quelque seigneur au retour des croisades, où les Bretons furent nombreux. En cette chapelle on vénère en effet Ste Marguerite d'ANTIOCHE. Ruinée après la révolution, elle fut reconstruite en 1878. On peut encore y voir de très belles statues de bois: Ste Marguerite terrassant le draguon (emblème du mal), et Notre Dame d'Espérance dont le pardon, toujours fréquenté, se célèbre au 15 août.

Mais cette chapelle fut hélas trop souvent un lieu de larmes et de deuils, on y déposait pour la veillée funèbre les corps des péris en mer avant de les conduire en charrette au cimetière entourant la vielle église. Et les noyés furent nombreux jadis !

Devant le manoir de COATALEC s'élevait la chapelle St GILDAS qui a donné son nom au village improprement appelé SALVENTEZ, au lieu de SANT VELTAS. Elle ne fut pas rebâtie et ses ruines se voyaient encore il y a une cinquantaine d'années.

Quelques châteaux et manoirs possédaient aussi leur chapelle: TROGRIFFON, LEZIREUR (chapelle de STt Jean Baptiste, souvenir de Templiers sans doute) et COATPLOHOU (chapelle de Ste Catherine), toutes disparues.

HENVIC possédait encore des croix de chemin et sans doute un calvaire dont il ne reste que quelques statuettes placées ensuite au dessus de la porte d'entrée du placitre actuel.

Tout cela fut brisé sous la Révolution (1789), HENVIC étant occupé en représailles ... Ceci est une autre histoire!

La croix de Langroas

Au carrefour de TY CROAS , on voyait jadis une superbe croix renaissance. KERRICHARD et KROAS MEN en possédaient aussi, toutes en pierre. KROAS PRENN, comme son nom l'indique, était une croix en bois. Celle-ci ne fut pas remplacée.
Pour quelles raisons ces croix ont été enlevées? 
Leur histoire est tombée dans l'oubli. Il n'en est pas de même des deux autres:

Celle de LANGROAS dite KROAS AL LAN garde des souvenirs tragiques: en cet endroit, le 18 juillet 1698, un enfant de 7 ans fut tué et en partie dévoré par un loup. On inhuma ses restes dans le sol de la vieille église. l'enfant se nommait Jean LE TARTARIN, nom extraordinaire pour HENVIC bien sûr, mais qui fut porté longtemps chez nous.

Le 13 septembre de cette même année 1698, le loup s'attaque à une jeune fille, Françoise LE BOURDIER. Ses restes furent également mis en l'église de HENVIC.

Les histoires de loup ne sont pas toutes des récits imaginaires comme on peut le voir, et les anciens parlent encore des loups de PEN AR C'HOAT (en TAULE, près de Langroas).

L'autre croix, dite Croix du Salut (KROAS AR SALUT) près d'un carrefour KROAS HENT, et non CROISSANT, comme il est dit... Cette croix fut érigée pour un motif plus gai: au temps de la Reine ANNE, et même avant, fleurissaient les pélerinages.

Il était de coutume de faire celui des 7 saints fondateurs de la Bretagne. On pouvait l'effectuer à partir de l'église du saint le plus proche. Pour HENVIC, c'était St Pol de Léon.

Des croix, dites de salut, étaient installées sur ce tour de Bretagne à l'endroit où l'on apercevait pour la première fois une église de saint. On le saluait de cet endroit.

Ceux qui venaient de TREGUIER,où l'on vénérait St TUGDUAL,en allant par St Jean du DOIGT, pouvaient passer par Penzé, ou traverser à Locquénolé.

Ce qui fait que les chemins dit BALY ZANT (le nom en est resté à Plouénan),étaient jalonnés de chapelles et d'auberge où l'on pouvait prier, se reposer et se restaurer. Le bourg de Henvic avait même une hôtellerie. C'est ainsi que notre vielle église recevait alors beaucoup de visiteurs et s'enrichissait, car elle était très belle avec ses statues, ses vitraux armoriés et ses enfeux.

Notre bourg était assaz cocquet avec quelques belles maisons de nobles et le petit manoir de KERDANOT, dont le nom est heureusement gardé dans une rue.

Tout fut brûlé: église, manoirs et auberges en 1522, sauf KERDANOT.

Heureusement il nous reste le souvenir dans les anciens écrits ...


Le passage du premier train dans la commune, à la gare, plus connue sous le nom de la Halte Le premier train à Henvic

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