Par avion, je suis évacué sur un Hôpital
parisien. Mon état, n'étant pas grave du tout, je suis autorisé
à rentrer chez moi, à une seule condition, revenir à
la visite, tous les matins. Me voilà donc, de nouveau, chez mon
frère qui, avec Irène, tient la" TAVERNE ALSACIENNE", à
SCEAUX, au 114, rue HOUDAN, tout près de PARIS et de l'Hôpital.
Libéré de l'Hôpital, je rejoins ma batterie,
qui est rentrée en FRANCE, et se trouve maintenant, à CHAMPLAN,
pas très loin, au Sud -Ouest de SCEAUX.
A Noël, j'avais été nommé Sous-Lieutenant.
Maintenant, je suis le plus ancien des Officiers de la batterie et, à
ce titre, je la commande, (En remplacement de CALLAC, encore un ancien
de FORT LAMY!), ce qui fait que l'Opel, récupérée
en ALLEMAGNE, est à ma disposition.
Mon Commandant LANCRENON, m'ayant un jour demandé, combien
j'avais de citations, et lui ayant répondu aucune, et qu'elles ne
m'intéressaient pas, outre mesure, (A cette époque, le seul
fait d'être FFL, 40, de surcroît, jouissait d'une très
haute considération !), m' a répondu, qu'il ne voulait
pas, que" des petits copains", moins méritants, me dépassent,
pour avoir été moins scrupuleux, et qu'il allait me proposer,
pour une citation, englobant mes cinq années de guerre.
Et, en juin 45, cette citation à l'Ordre de la Division
est sortie. ORDRE GENERAL N° 88 DE LA 2eme DB (22eme GC FTA)
Sous-lieutenant MARZIN Yves,
" Volontaire de la 1ere heure, dont la foi et l'enthousiasme,
n'ont jamais cessé. Officier plein d'allant et de courage, qui a
fait preuve, des plus belles qualités militaires, pendant les campagnes
de NORMANDIE, de LORRAINE et d'ALSACE. A, par son souci constant de la
liaison avec l'avant, assuré des mises en batterie, remarquables,
par leur rapidité, et leur précision, prenant de la sorte,
une part prépondérante, dans la destruction de 6 chasseurs
ennemis, et dans l'endommagement de 4 autres."
Cette citation comporte l'attribution de la Croix de Guerre 39-45
avec étoile d'Argent.
Reçu également:
ATTESTATION:
Le Colonel DIO, Commandant le REGIMENT DE MARCHE DU TCHAD, certifie
que le Sous-lieutenant MARZIN Yves, ayant fait partie de la FORCE" L",
a droit au port de la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre
(O. G. l23 et l24 du Général DE GAULLE, chef de la FRANCE
COMBATTANTE et Président du Comité National, en date du 30-7-43).
Pour la prise de STRASBOURG, les Américains ont accordé,
à tous les membres de la 2eme D. B., le port de la PRESIDENTIAL
UNIT CITATION, rectangle bleu, encadré d'or, à porter au
dessus de la poche supérieure droite.
Enfin, sur le haut de l'épaule gauche, on porte les chevrons
de la FRANCE LIBRE (Un par six mois dans les FFL, du 1er/ 7/40 au mois
d'Août 43, ce qui m'en fait six. Pas moyen d'en avoir eu davantage.
Mon insigne de la FRANCE LIBRE porte mon matricule à l'engagement:
5l644 (On avait commencé à 50000, pour faire plus imposant
probablement).
Un beau jour, on nous demande la liste des volontaires, pour
continuer la lutte contre les Japonais. J'en suis, et beaucoup de mes sous-officiers
et hommes, aussi.
Le 15 Septembre 45, je quitte ma batterie de la 2eme D. B., et
bénéficie de mon congé de fin de campagne de 64 jours,
à l'issue duquel, je dois rejoindre le 261eme GC FTA, au MUY, village
situé, entre DRAGUIGNAN et ST RAPHAEL. Pour l'Extrême-Orient,
mais quand ?
Me voici donc, de nouveau, à la TAVERNE ALSACIENNE, me
couchant tard et me levant de même !
LE 20 SEPTEMBRE 45, JE COMMENCE UN JOURNAL DE MARCHE, DESTINE
A RETROUVER UN JOUR, MES PENSEES, REFLEXIONS, ACTIONS DU MOMENT, LES EVENEMENTS
PREVUS ET IMPREVUS DE CHAQUE JOUR.
Une lettre de VAN GHELE, qui est actuellement, à AGEN.(Pas
vu, depuis CHERCHELL !)
Ce soir, en bande, Irène, Jo, Marcelle, Emile et moi,
sommes allés voir le film" L'autre". Aux actualités: jugement
des bourreaux de BELSEN. Difficultés en INDOCHINE: les Chinois ne
veulent pas laisser entrer le Général français ALESSANDRI.
Campagnes électorales en FRANCE.
21-9-45: Lu le livre" Sang de PARIS", concernant la résistance.
Les affaires d'INDOCHINE semblent vouloir s'arranger.
Ce soir, je pars en BRETAGNE, avec Marcelle (ma cousine LE DLUZ).
A 20 h 40, dans le train, nous avons mangé un brin, et nous attendons,
le passage du contrôleur, avant de nous endormir. La lune est immense.
22-9-45: 5 h 20: Le train vient d'arriver à GUINGAMP.
Sommes arrivés à HENVIC par le train de 10 h. Sommes chez
tante Jeanne DLUZ, du bourg.
23-9-45: Réveil tardif. Déjeuné à
la gare, chez tante Jeanne PENVEN. Fête hippique dans l'après-midi.
Dans la soirée, bal chez Marie PAILLER. Rentré à 2
heures.
24-9-45: A 6 h, réveil, c'est que je suis de noce, avec
Mimi DLUZ. Mariage de Francine CORRE. Eliane LE ROUX est ma cavalière.
Jamais autant dansé de ma vie. Rentré à 2 h.
25-9-45: Repos ce matin, et une partie de l'après-midi.
Puis, bal de noce avec Mimi DLUZ et Eliane LE ROUX. Le bal finissant à
21 h, sommes ensuite allés en bande, jusqu'au LEZIREUR. Rentré
à 1 h.
26-9-45: Repos complet jusque midi. Suis ensuite allé,
chez mon parrain, à KERRILY VIAN.
27-9-45: En pleine forme, ce matin. Dans l'après-midi,
visite de deux amis de ST JEAN DU DOIGT. Dans la soirée, sommes
allés à PENZE, au Moulin du Roi, chercher tonton Jean PENVEN.
Ensuite, dîné avec lui, à la gare.
28-9-45: Mise en bouteilles, dans l'après-midi. Cela m'a
rappelé la cave de Mme MAGUET, à PARIS, il y a bien longtemps.
29-9-45: Retrouvé Marcelle à MORLAIX. Achats, Dîné
à KERRILY VIAN.
1er-10-45: A 21 h, je reprends le train de PARIS.
2-10-45: Arrivé à la TAVERNE, vers 9 h.
4-10-45: Un tour a NANTERRE, dans l'après-midi. Procès
LAVAL en cours. DARNAND condamné à mort.
6-10-45: Marcelle est rentrée de BRETAGNE. Son fils Richard
et le cousin de ce dernier, Joël, le fils de Fernande, vont maintenant
à l'école. Matinée à PARIS.
8-10-45: Visite de CALLAC et de KILFIGER.
9-10-45: Un tour à CHAMPLAN et à LONGJUMEAU. Ce
soir, suis à la TAVERNE, avec Marcelle, Emile, Germaine et René.
Pierre LAVAL est condamné à mort.
10-10-45: Visite de CALLAC, dans la soirée. DARNAND a
été fusillé. DE GAULLE est reçu à BRUXELLES.
11-10-45: PAQUIS a été fusillé. Dans l'après-midi,
visite de Robert GUYADER et de Jean CADIOU (Deux camarades de l'Ecole Primaire).
Sommes allés ensemble, au BALACO. Jo et Irène sont rentrés
de voyage, de LIVOURNE.
12-10-45: Quitté PARIS, à 22 h 40, debout. (Plus
de place dans le train, ni en 1ere, ni en 2eme, ni en 3eme).
13-10-45: A 4 h, à LANGRES. A 7 h 50, ai pris l'autorail
et, à 9 h 10, j'arrivais à LAMARCHE. Georges DEROBERT et
JOJO, étaient à la gare, pour m'attendre. Je reconnais bien
les endroits où, il y a de nombreuses années, je venais passer,
quelques jours de vacances. Grand plaisir de retrouver LEA. Tout le monde
va bien.
14-10-45: Grasse matinée. Vers 14 h, sommes allés
tous quatre, à CHALINDREY, JOJO, devant repartir pour TOULON, où
la Marine l'appelle. Rentrés à trois, dans la soirée.
15-10-45; Réveil à 10 h 45. A 11 h, réunion
politique, à la Mairie. LEA m'y emmenait. Exposé socialiste,
assez intéressant. A 14 h 30: nouvelle réunion: les radicaux-socialistes,
cette fois. Du coup, j'ai failli m'endormir. Pierre LAVAL a été
fusillé, à 12 h (31 ou 32). Un de moins.
17-10-45: Debout à 12 h. Suis allé, avec Georges,
à SENONCOURT. Dans la soirée, réunion politique, les
communistes. Quelques parties de Diamino, avant d'aller au lit.
18-10-45: Lecture au lit, comme d'habitude. Dans la soirée,
réunion politique: Les MRP. Quelques parties de Diamino.
19-10-45: Dans l'après-midi, suis allé, avec Georges,
à l'Etang de MORIMONT, qu'on est en train d'assécher.
20-10-45: Déjà une semaine à LAMARCHE, et
je ne m'ennuie pas du tout. A 18 h, coup de fil de la gare, où JOJO
est arrivé, en permission. Vite, nous sommes allés le chercher,
en voiture. De nouveau à quatre, ce soir.
21-10-45: Debout à midi. Après-midi, match de football
(LAMARCHE contre ESLAY (3-2). Elections dans la journée. Vers 22
h, nous sommes allés, LEA, JOJO et moi à un bal (Salle des
fêtes du pays). Dans la nuit, premiers résultats des élections.
Les MRP et les OUI-OUI sont en bonne position, ainsi que les Communistes
et les SFIO.
22-10-45: Rentrés, JOJO et moi, à 3 h 45. Au lit,
jusque midi. Les radicaux ont subi une lourde défaite.
23-10-45: A 10 h 30, un télégramme de la TAVERNE,
m'annonçant, que je suis invité à la noce de Yvette,
en BRETAGNE. Après 16 h 30, étions, JOJO et moi, chez REINE.
Agréable soirée, puis Diaminos, avant d'aller au lit.
24-10-45: Debout à 12 h 30. Vers 16 h, sommes allés
chez Mme PERRIN, à MARTIGNY LES BAINS.
25-10-45: A 9 h, debout. Pris le train de 11 h 42. Changé
à LANGRES. A PARIS, à 21 h 20 et à SCEAUX, à
22 h.
26-10-45: Debout à 10 h. Acheté une tenue d'Officier.
Pars ce soir, en BRETAGNE.
27-10-45: A 8 h 30, à MORLAIX et à 11 h, chez tante
Jeanne, à HENVIC. Jeanne LE DLUZ, étant ici avec son marin,
j'ai eu le grand plaisir de les voir, après cinq ans d'absence.
28-10-45: Réveil assez tardif. Après-midi: bal
à la Croix de KERMEN, réunissant les FFL et les FFI (Forces
françaises de l'intérieur). J'y étais, avec Yvonne
ABOMNES. Rentré à 3 h 30.
29-10-45: Debout à 7 h. La noce a lieu aujourd'hui. A
8 h 30, la messe. Danses avant et après-midi, ainsi que dans la
soirée, jusque 1 h. Ma cavalière Yvonne JACQ, de CARANTEC,
étant repartie, je suis allé, dans la nuit, au LEZIREUR.
Adieux à Yvonne ABOMNES. Jeanne et son marin, sont partis, dans
la matinée.
30-10-45: Après 7 h de sommeil, me suis levé, sur
un coup de téléphone de CARANTEC. Retour de noce, à
HENVIC. Rentré à 2 h 30.
31-10-45: Parti à 5 h de HENVIC, à bicyclette,
pour ST POL DE LEON, d'où je suis parti, à 7 h 30, en train.
A 19 h 15, à MONTPARNASSE et, peu de temps après, à
la TAVERNE.
1er-11-45: Quitté PARIS à 6 h 55, avec JO (Mon
frère) en autorail. A 11 h, à NANCY. Et à 13 h 30,
à EPINAL. Pris le taxi. Arrivé à GRANGES SUR VOLOGNE,
à 16 h 15. Après plus de cinq ans, je revois Grand-père
et Grand-mère (DEROBERT).
2-11-45: Ce matin, sommes allés à la messe des
morts. Et, de là, au cimetière. C'est là, que Suzanne
se trouve. Camille et Claire sont venus, pour le repas de midi, le lendemain,
samedi 3-11-45.
4-11-45: Sommes allés à GERARDMER, avec Claire
et Marie. Cinéma à GRANGES.
5-11-45: Journée calme. Courses dans la matinée.
Promenades dans l'après-midi.
6-11-45: Changement de gouvernement. Service des morts dans la
matinée. Camille et Claire sont venus, à midi. Adieux aux
personnes de GRANGES. Vers 16 h, départ dans la voiture de Camille
(Une Opel) pour ST DIE. Quitté ST DIE, en autorail, à 20
h. Puis le train de 0 h 43, à NANCY.
7-11-45: Arrivés ce matin, à PARIS, à 7
h 30 et, peu après, à SCEAUX. Invitation pour le mariage
de Louisette, à CARANTEC, en BRETAGNE. Au cinéma" Blanche
Neige". La dernière fois que j'avais vu ce film, c'était
à POINTE NOIRE !
8-11-45: Levé fort tard. Dans 10 jours, ma permission
se termine.
9-11-45: Au lit, jusque midi. Lecture. Avec Irène, sommes
allés voir, son amie Madeleine.
10-11-45: Suis allé à PARIS, dans l'après-midi.
Envoyé un télégramme en BRETAGNE, pour annoncer mon
arrivée. A 6 h, quelques corps de déportés, sont partis
de l'Orangerie (Près du Château de SCEAUX.
11-11-45: Fête de l'Armistice de 14-18. Ai assisté
à une cérémonie, qui a eu lieu, devant la Mairie de
SCEAUX. Grosse activité au Restaurant. Le XVeme PARIS-LONDRES, s'est
terminé, par la victoire de LONDRES (11-7).
12-11-45: Réveil tardif. JO part avec moi, en BRETAGNE.
Pris le train de 21 h, en wagon-lit.
13-11-45: Arrivé à 10 h 30, à ST POL DE
LEON. Reçu un télégramme de rappel immédiat.
Passé à CARANTEC. A 15 h 30, étions à HENVIC.
Adieux à tout le monde. Je repars ce soir. Pris le train de 21 h
05, en première, à MORLAIX.
14-11-45: Arrivé à la TAVERNE, vers 8 h. Préparé
mon paquetage. Prends le train PARIS-NICE cet après-midi, pour être
à ANTIBES demain.