Quitté SAIGON, à 10 h 45. Après avoir vu, les
quatre premiers postes, situés de part et d'autre de la route coloniale,
suis arrivé à GODEN, au Sud de SAIGON, à 13 h. Deviens
maintenant, l'Adjoint du Lieutenant HENRIOT. Le poste où nous sommes
est tout à fait agréable. Une sorte de chalet (En bois).
De ma chambre, située au premier étage, je vois la route
coloniale SAIGON -MY THO. (Nord -Sud), (La RC 16).
Me voici donc installé, prêt, pour mes nouvelles
fonctions. Au courant de l'après-midi, ai commencé à
compulser mes nouveaux dossiers, car je dois être, également,
l'Officier de Renseignements, du Sous-Quartier. Il est 20 h 45, toujours
rien à signaler. Dans quel sens, les V. M. interprèteront-ils
le désaccord de FONTAINEBLEAU ? Recrudescence ou accalmie ? Les
jours prochains nous le feront savoir.
13-9-46: Vendredi 13 ! Hum ? La nuit a été excellente,
calme et reposante. Surtout pour nos hommes, qui s'étaient fatigués,
à la suite des opérations, de ces derniers jours. Ce matin,
je suis allé voir PECASTAING, à BENLUC. Il fait mine de grand
chef. Visite de son poste, des abords, des traces de balles et d'obus.
En revenant à GODEN, un coup de téléphone,
me réclamait à BINH CHANH, (1er poste, au Nord), où
l'on venait d'arrêter trois indigènes, dont un vieux de 52
ans. A 12 h 30, un notable de BINH CHANH est venu à GODEN, me demander
la libération de cinq prisonniers, faits il y a quelques jours.
Accordé, ainsi que le vieux de 52 ans. Les deux autres sont gardés,
car l'un d'entre eux, coolie de profession, se déclare notable de
TAN BUU. (A l'Ouest de BINH CHANH)
Le Lt HENRIOT, qui était allé au groupe, ce matin,
est rentré vers 13 h 45. Dans l'après-midi, je suis allé
à BINH DIEN. (Au Nord de BINH CHANH). En ai profité pour
pousser jusque CHODEM. (A l'Ouest de BINH DIEN) Celui- ci est un beau petit
poste, mais l'accès, de nuit, doit être plutôt scabreux.
Des rebelles, disséminés, sont signalés, de
part et d'autre de la route BINH CHANH -BINH DIEN.
Jusqu'à 21 h 30, rien à signaler. Demain matin,
je prends part, à une petite opération, à l'Est d'ici.
Ce sera peut être amusant. A midi, ai reçu une lettre de Mme
MOINAUX, enfin rassurée, sur le sort de son mari. Celui- ci se rétablit
peu à peu.
14-9-46: Réveil à 6 h. L'opération de ratissage
a commencé à 7 h, dans le Sud- Est de GODEN. Des arrestations
en quantité. L'interrogatoire, commencé ce matin, sitôt
rentré, doit se poursuivre, dans l'après-midi. A 15 h l'interrogatoire
a repris. On ne garde que 4 prisonniers.
Comme renseignements: RIEN. Comme toujours (paraît-il),
ils n'ont rien vu, rien entendu. Ils n'arrivent pas à comprendre,
que, des renseignements, qu'ils peuvent nous donner, dépend leur
tranquillité, à brève échéance.
ILS SONT PLUS SENSIBLES, A LA TERREUR DU V. M. Si ceux-
ci apprennent, qu'ils ont parlé, leur sort est connu, une vie humaine
ici, ne valant pas très cher. Très rapidement, leur corps
gonflé, pas beau à voir, descend le cours des rivières,
au gré des vagues.
LAPEZE (BINH DIEN) et PECASTAING (BEN LUC) (Au Sud de GODEN),
sont venus nous voir, ce soir: Trois voitures ont été attaquées,
en plein jour, à 1 Km du poste de BINH DIEN. Cela entraînera
probablement, de nouvelles opérations, comme celle de ce matin.
Les V. M. sont réellement difficiles à découvrir,
lors des opérations. Il est, en effet, tellement facile de se camoufler,
dans les rizières, et surtout dans les RACHS (rivières),
dans lesquels ils respirent, grâce à un tuyau de bambou. Mais
gare, si on les découvre.
15-9-46: Il y a six ans, en ANGLETERRE, j'assistais à
une première école à feu de 75. C'était également
un Dimanche. 185 avions allemands, ne devaient pas rentrer. Début
de la gloire, des Spitfires et des Hurricanes. (Ces derniers, en appâts
!) (Et le spitfire plonge !)
Hier soir ici, à 21 h, quelques coups de canon au Sud
et deux incendies, ont déclenché de multiples coups de téléphone.
Puis, tout est rentré dans l'ordre, et le restant de la nuit, a
été calme. Ce matin, grasse matinée, jusque 8 h. Cette
après-midi, seul ici avec quelques hommes. (Le Lt HENRIOT étant
allé à CAN GIOC, avec LAPEZE).
Vers 16 h, tout le monde est revenu progressivement. Les coups
de téléphone, ont commencé de bonne heure. A 22 h
15, TAN BUU réclamait un tir de 40 Bofors, sur le pont, situé
entre TAN BUU et BINH CHANH. (Et que nus appelons le pont de TAN BUU )
Le 3eme coup était bon. Avons repéré, pour intervenir
efficacement, à la 1ere occasion. Un incident de chargement. Cela
arrive assez souvent, avec les canons anglais, de la dernière guerre.
16-9-46: Le restant de la nuit a été parfaitement
calme. Réveillé à 7 h 15. Dans les deux sens, sur
la route, les voitures civiles circulent, principalement des camions, déguisés
en autocars.
Dans le champ, situé entre la route et le poste, le riz
pousse à vue d'oeil, mais il paraît qu'il ne sera mûr,
que dans un mois environ. Dans l'après-midi, je me suis occupé
du canon de 40. Maintenant, il est parfaitement en état. Lorsque
le Lt HENRIOT est rentré, avons tiré cinq coups de 40.
Réglage sur le pont de TAN BUU. Entre 23 h et 24 h, CHO
DEM a essuyé, quelques balles de mitraillette et de fusil. CHO BAHOM
a repoussé une attaque, en trois minutes. Le P. I. A.
T. cause une terreur noire chez les V. M. Pendant ce temps, LAPEZE dégageait
son pont, à coups de 40. Chez nous, toujours calme.
17-9-46: Ce matin, avec le Lt HENRIOT, nous avons fait le tour
des postes, tous, sauf BINH DIEN. Le poste de PECASTAING, semble plus tranquille,
depuis la grosse attaque, qu'il avait subie, il y a quelques jours. Avons
appris (Déjà hier soir à la radio) par les journaux,
qu'un accord franco-vietnamien venait d'être signé, et qui
allait amener la fin des hostilités. Voilà encore une chose,
qui nous fait sourire " doucement ", car, ce soir encore, on vient de nous
signaler, une attaque contre un poste, dans la région de DUC HOA.
J'ai consacré cet après-midi, à mettre un
peu d'ordre dans mes dossiers. J'en ai au moins, pour deux mois, à
me mettre au courant, de tout ce qui s'est passé ici, depuis ces
trois derniers mois. Ceci est indispensable, pour ne pas relâcher,
des prisonniers intéressants. En ce moment, nous en avons cinq,
au poste. Leur cas ne doit pas être bien grave. Ce sont, probablement,
des" honnêtes gens", selon l'expression consacrée.
Il est 22 h. Pour le moment, notre sous-quartier, est extraordinairement
calme. A 23 h, un convoi important de camions, est passé, direction
SAIGON.
Tandis qu'il se trouvait, entre GODEN et BINH CHANH, on a entendu
quelques coups de F. M. Alerte aussitôt dans le poste. Dispositions
de combat. Mais qui a tiré ? Finalement, de BINH DIEN, où
le convoi s'est arrêté, on apprend que c'est d'un camion,
que le F. M. a craché. Un" savon" au chef de convoi, puis tout est
rentré dans l'ordre.
A 22 h, BINH DIEN a repoussé au 40, deux attaques contre
le pont de chemins de fer de BINH DIEN. A 1 h, nouvelle attaque, aussitôt
repoussée. Les rebelles ont tiré quelques rafales contre
le poste de partisans (amis).
18-9-46: Ce matin, le Lt HENRIOT, étant appelé
à CAN GIOC, me suis occupé d'une cérémonie,
qui devait avoir lieu, à 10 h 15, à la DELEGATION. (Visite
du Ministre de l'Agriculture cochinchinois). Il était de retour
à 10 h. Cérémonie militaire banale. Visite assez amusante,
tout de même. Discours très applaudi par les notables. (Vénérables
gens en blouse noire et pantalon blanc). Distribution de tissu, à
la population, à prix intéressant.
A midi, j'ai appris brusquement, que je devais être à
CAN GIOC, à 13 h, avec trois groupes de combat. Y étais à
13 h 10. En fait, l'heure de rassemblement était 13 h 30, donc,
croyant être en retard, j'avais 20 minutes d'avance.
Mission: nettoyage d'une région, où l'on comptait
rencontrer des V. M. Avons laissé nos véhicules, près
d'un pont. A pied, sur la rive gauche du CAU GIOC. Histoire d'apprécier
les diguettes, entourant les rizières. Avons traversé cette
rivière, sur un bateau à moteur réquisitionné.
Un cadavre, dans une embarcation, qui avait tenté de fuir, aux sommations
du détachement du Lt CAU. Débarquement sur la rive droite.
Puis nous nous sommes promenés, en formation de combat,
entre les groupes CAU et les groupes CHERON, c'est à dire entre
HUNG LUONG et HUNG LONG. On devait théoriquement, faire fuir la
bande de MOT, et lui tirer dessus, au F. M. Pas de chance. N'avons rien
vu. En fin de mission, ai rejoint CAU.
Retour à pied, jusqu'à un carrefour. Au retour,
mon camion est tombé dans une vaste ornière, à tel
point, que le pont avant touchait le sol. J'ai dû me faire tirer,
par le camion qui me suivait. Avons placé, sur l'ornière,
une planche récupérée dans les environs. Les trois
camions, ont alors pu franchir le point délicat. L'état de
la route est tel, qu'il a fallu conserver le pont avant enclenché,
sur un bon tronçon de route.
Arrivé sur la bonne route LONG TRACH -BINH CHANH, la nuit
tombait. La pluie s'en est alors mise de la partie. Trempés comme
une soupe, avons ramené deux groupes à BEN LUC. En rentrant
à GODEN, avec le 3eme groupe, un dernier incident, mais sans gravité.
BINH DIEN a encore eu quelques ennuis, réglés à coups
de 40, puis au tour de BEN LUC. Quelques coups de 40 aussi, pour obtenir
le silence. Il est 22 h. Je suis un peu fatigué ce soir, mais cette
journée a été agréablement chargée.
19-9-46: Paperasse dans la matinée, puis je suis allé
chercher PECASTAING, à BEN LUC. Il a déjeuné avec
nous. Dans l'après-midi, l'ai reconduit chez lui, tandis que le
Lt HENRIOT allait à CAN GIOC.
L'assistante sociale est venue, nous rendre visite. Quelques
renseignements intéressants: Les V. M. auraient l'intention, d'incendier
le village de GODEN. Avons prévu une embuscade. A 21 h, changement
de programme. Mon groupe et celui de PERRUCHON doivent intervenir, immédiatement,
sur le pont de chemins de fer de BINH DIEN. Le poste de partisans avait
dû se replier, sur le poste de BINH DIEN, de LAPEZE.
Les automitrailleuses (A. M. dans notre jargon), sont arrivées
sur les lieux. Leurs coups de canon ont, certainement, mis la bande en
fuite, car nous n'avons été gênés, que par l'humidité
des diguettes, pour atteindre le pont. Quelques coups de fusil sur les
traînards. Nos deux groupes sont ensuite revenus à GODEN,
accompagnés par les 2 A. M. (En pleine sécurité quoi
!). Un petit tour en voiture, dans le village de GODEN. Tout étant
calme, l'attaque prévue, ne semblant pas être, pour ce soir,
suis revenu au poste. Il est 2 h.
20-9-46: A 7 h debout. Déjà bien reposé
(Commence à prendre l'habitude, de dormir vite et bien). Ce matin,
l'Amiral D'ARGENLIEU est passé, avec escorte, direction MY THO.
Un peu de paperasses, dans la matinée. Puis, à 10 h 15, suis
allé à BINH DIEN, avec le Lt HENRIOT. Y avons rencontré
le Cdt CHANSON (L'adjoint du Cdt LANCRENON, dans notre bon vieux 22eme
FTA de la 2eme DB).
Avec lui, sommes allés à CHO DEM, voir ACQUAVIVA,
un type épatant. Le Cdt parti, le Lt HENRIOT et moi, avons déjeuné
avec LAPEZE. Le père LEGER y était également (Un type
formidable). Dans l'après-midi, nous sommes revenus à GODEN.
Quelques coups de feu avaient été tirés, pendant notre
absence, sur des guetteurs V. M. (Un renseignement signalait une bande
V. M., se promenant à 2 Kms du poste. Lui avons tiré dessus
au 40, réglés par TAN BUU. Il paraît que ce tir était
excellent, d'après les observateurs. Ceux qui sont morts, ne viendront
pas nous déranger au poste).
Il est 23 h 30 maintenant. A part les quatre sentinelles et le
Sous-officier de quart, tout le monde dort, dans le poste, mais pas pour
longtemps, car, à minuit, je pars en patrouille, avec un groupe
de combat, dans le village. Dans trois jours, la menace d'incendie des
paillotes, marché, écoles, maison commune, sera peut être
écartée. Mais pour le moment, il faut ouvrir l'oeil.
21-9-46: Rentré de patrouille, à 1 h. Le village
était plongé dans le plus grand calme, sinon le plus grand
sommeil. A 7 h debout, un bon jus et me voilà, frais comme un gardon.
Ensuite, suis allé à SAIGON, d'abord au quartier VIRGILE,
pour passer à la radio (Tout va bien, le coffre tient bon !) puis
à la Cie des Sces.
Tout heureux d'y avoir rencontré PAUTARD. Il s'embête,
le pauvre vieux. Franchement, je le plains. Quant à mes anciens
chauffeurs, qui sont toujours là, ils ne demandent, qu'à
revenir au groupe.
A CHOLON, ai rencontré LAPEZE. qui emmenait son canon
au NHA BE. Encore du travail pour GETTO. Rentré à GODEN,
vers midi. Dans l'après-midi, paperasses au poste. Le Cdt CHANSON
est venu nous voir, pour discuter sur une opération importante (30
groupes de combat), qui doit avoir lieu, demain matin, sur la rive droite
du VAICO, légèrement au Sud de LONG HOA.
Région assez infestée de V. M. Depuis hier, notre
sous-secteur est réellement calme. La bande d'hier, ne semble pas
avoir désiré revenir, près de notre poste. Ils ont
eu des morts et des blessés. Notre village est un peu plus rassuré,
aujourd'hui. J'ai l'impression qu'ils ne tarderont pas à prendre
confiance aux Français.
22-9-46: A 4 h, réveillé par LAPEZE, qui craignait
une attaque sur CHO DEM, vers 5 h. Cette attaque n'a pas eu lieu. Réveillé
définitivement à 7 h. Matinée au poste. Pendant ce
temps, PECASTAING était en opération, avec ses quatre groupes.
Dans l'après-midi, suis allé à BINH TINH, à
30 Kms environ, au Sud d'ici, pour chercher deux de ses groupes. Les ai,
ensuite, reconduits à CHO DEM et BINH DIEN. Au retour, au poste,
visite des notables, qui nous demandaient notre protection, pour la nuit
prochaine, et demain.
C'est que c'est demain le 23 Septembre, c'est à dire un
anniversaire, que les V. M. veulent commémorer dignement, en faisant
le plus de dégâts possible. Suis donc allé voir PERRUCHON,
pour lui donner les ordres de garde de nuit. Au retour, vers 19 h 30, tandis
que je dînais, les coups de téléphone se sont succédés,
à une cadence assez rapide.
Comme j'étais moyennement endimanché, j'ai commencé
par revêtir ma tenue de combat. Bien m'en a pris car, peu après,
TAN BUU nous demandait un tir au 40, sur le pont de TAN BUU (entre BINH
CHANH et TAN BUU) et sur la passerelle de THANH HA.
Nous avons donc tiré quelques coups, qui avaient l'avantage
de faire du bruit et, probablement, d'effrayer les V. M. Simultanément,
d'autres tirs de 40, partaient de BEN LUC, BINH DIEN et finalement de CHO
DEM. Deux postes d'attaqués: CHO DEM et CHO
BAHOM. Il faut ajouter à cela, les quelques coups de fusil, tirés
sur les partisans du poste du pont de BEN LUC.
Comme nous avions les A. M., nous en avons profité, pour
aller, avec elles, arroser les parages du pont de BEN LUC. A un moment
donné, tout en me promenant sur ce grand pont, ai bien failli passer
à travers. (Chute de 5 m, en cet endroit: hum !). Le tir terminé,
sommes allés voir PECASTAING, histoire de prendre un verre. Puis
retour normal à GODEN, à 0 h 30, c'est à dire demain
!
23-9-46: Ce matin, réveil à 10 h. J'avais réellement
du sommeil en retard. Restant de la matinée, dans les paperasses.
Interrogatoire de prisonniers, (PERRUCHON, en ayant fait quatre, ce matin,
à MY YEN).
Au courant de l'après-midi, BONNAVAL et MORVAN, étaient
en tournée, avec deux groupes de combat, dans la région d'AP
TAN CHAU, THANH HA. Ils ont été accueillis, par une forte
bande V. M., qui avait, comme armement, au moins une l2, 7 et quatre F.
M.
En entendant ces bruits, trois autres groupes de combat sont
venus, de trois directions différentes (j'étais avec celui
de GODEN) mais en arrivant sur les lieux, la situation était rétablie.
Sommes restés, un moment, à TAN BUU. Deux buts bien distincts:
d'abord essayer leur nouveau canon de 40, et profiter de l'occasion, pour
balancer 100 coups, sur le secteur de la patrouille. Rentrés à
GODEN, le canon commençait à cracher lui aussi.
Encore 120 coups de tirés. PECASTAING s'amusait de son
côté. A 19 h 45 les deux A. M. sont arrivées.
Vers 20 h 30, TAN BUU réclamait de nouveau notre tir.
Avons donc de nouveau balancé quelques coups, sur le pont et la
passerelle de THANH HA.
Enfin, d'un autre côté, sur LONG PHU et LONG HIEP.
Un incendie est visible du côté de LONG SON. Pour le moment,
aucun poste de notre secteur, n'a été attaqué. Décidément,
les 40 Bofors semblent faire réfléchir les V. M.
En tout cas, dans notre secteur, ce 23 Septembre n'a pas été
une réussite, pour eux. Bien loin de là. A GODEN, par exemple,
le marché et ses paillotes, la maison commune sont encore debout,
alors que les V. M. avaient pourtant promis de les brûler.
24-9-46: A 0 h 30, de nombreux coups de feu, ont été
tirés, sur notre poste. Avons riposté, au fusil et au PIAT,
tandis que les 2 A. M. mises à notre disposition, effectuaient une
sortie, et arrosaient le coin, de leurs F. M. jumelés. A 1 h, d'autres
coups de feu ont été tirés, sur le poste de BEN LUC.
Comme on voit, tout va pour le mieux, en INDOCHINE.
Enfin le moral, ici, est excellent. Il est 2 h 15, maintenant.
Tout est calme pour le moment. J'ai tapé différents compte
rendus et maintenant: quelques heures de sommeil. Notre canon est hors
d'usage, pour l'instant. (Masse reculante coincée à l'arrière).
Debout à 7 h. Sorti le canon de batterie puis l'ai emmené
au groupe, qui se trouve au NHA BE. A midi, on m'en a donné un autre,
que j'ai ramené à GODEN, dans l'après-midi. L'avons
placé dans son alvéole, puis nettoyage sommaire. Dans l'après-midi,
CREIGNOU et PECASTAING sont venus nous voir.
PECASTAING venait me suggérer un nouveau coup de Pancrace,
dans son secteur. (Il a l'imagination fertile !). En ce moment, trois bandes
ne sont pas loin de chez nous, avec pour chefs MOT, TRANG et BAY VIEN,
trois des plus coriaces. Il est difficile de les accrocher, de jour, car
ils se cachent, quand nos patrouilles sont trop fortes.
Le Cdt CHANSON est venu également, nous parler d'une opération,
projetée pour après-demain. Il va également essayer
de nous procurer un canon de 25 pounders, (88 anglais), qui nous permettrait
d'intervenir dans des coins intéressants, à l'Ouest.
Comme histoire amusante: ce matin nous avons constaté, que le
groupe nous avait envoyé des obus d'exercice de 40. Cela aurait
pu ne pas être drôle du tout si, au cours d'une attaque, nous
avions utilisé, par mégarde, ces jouets de cours de quartier.
La journée a été extrêmement calme, dans le
sous-quartier. N'avons pas d'A. M., ce soir.
25-9-46: A part quelques coups de feu, tirés sur CHO DEM,
hier soir, la nuit a été délicieusement calme. Après
une bonne nuit, je me suis levé à 7 h. Tapé, quelques
compte- rendus, que le Lt HENRIOT, a emportés,
pour CAN GIOC.
A peine, était-il parti, vers 9 h 45, que TAN BUU m'a
signalé deux bandes, parties, séparément, de THANH
HA. Après avoir demandé l'autorisation à OPAQUE, de
tirer au 40 (Il ne faut pas faire d'impair) on s'est occupé de la
bande qui se déplaçait vers AP TAN CHAU. Lui,
avons expédié 33 coups.
Pendant ce temps, PECASTAING, qui ne pouvait pas tirer au 40
(Angle mort), s'est occupé de la 2eme, qui descendait vers LONG
PHU. Entendant des coups de feu dans son secteur, je suis parti avec un
groupe de combat.
Près de LONG PHU, avons aperçu quelques fuyards:
une vingtaine, vers l'Est. Tiré au FM et au fusil. Un seul d'envoyé
au paradis. PECASTAING, par contre, a dû en toucher quelques uns
(5 tués et de nombreux blessés, aux dernières nouvelles).
Comme pertes amies: néant. Un score qui n'est pas mal.
Dans l'après-midi, TAN BUU m'a encore réclamé
un tir sur AP NHI. (22 coups de 40 de tirés). J'aurais tiré
davantage, si je n'avais pas eu d'incident de tir. Au courant de l'après-midi,
j'avais envoyé un groupe, au ravitaillement, à MY YEN. Etant
donné la présence de nombreux V. M., dans le coin, et après
avoir appris qu'une nouvelle bande, partie de THANH HA, semblait vouloir
s'y rendre, je suis allé à la recherche de mon groupe.
Très content de l'avoir retrouvé, intact. Lorsque
le Lt HENRIOT est rentré, vers 16 h, il paraissait un peu plus rassuré,
des nouvelles évasives, comme toujours, lui étant parvenues.
PECASTAING est venu nous voir et, en même temps, prendre
des ordres pour une grande opération, qui doit avoir lieu, à
partir de demain matin. Suis allé prévenir PERRUCHON, qu'il
veille sur notre poste, car il ne restera pas beaucoup de monde, ici, pendant
l'opération.
Vers 21 h, ai balancé quatre coups, en direction du pont
de TAN BUU. Ce coin là n'est pas très sain, en ce moment.
Mais j'ai l'impression que les bandes vont, de nouveau, nous échapper.
Je crois également, qu'elles n'apprécient pas du tout, les
tirs inopinés, qui saluent leurs déplacements.
26-9-46: Journée EXTENUANTE, entre toutes. Tout d'abord,
à 1 h 30 et à 4 h 30, j'ai balancé trois coups, sur
le pont de TAN BUU. En somme, très peu dormi, dans la nuit du 25
au 26. A 5 h 15, départ, pour la grande opération.
Au jour levant, nous procédions à la mise en place
des groupes de combat. Puis aussitôt: départ. Avant le Song
BEN LUC, un de mes hommes a découvert deux tam-tams, dont un très
grand. Les avons crevés tous les deux et détruit le petit.
Traversé le Song BEN LUC en barque.
Puis nettoyage suivant une direction bien déterminée.
Les rizières et les diguettes sont peut être pénibles
à la longue, mais enfin on passe relativement bien. A un moment
donné, nous avons rencontré un RACH, qui coupait notre progression.
Aucun passage artificiel.
Voyant notre embarras, une jeune fille annamite, en haillons,
mais jolie, a mis son sampan à notre disposition. Jusque là
tout allait bien. Les V. M. étaient partis, plus à l'Ouest.
Puis nous arrivâmes dans la trop fameuse PLAINE DES JONCS. Ce fut
alors une marche épique, de l'eau tantôt jusqu'aux genoux,
tantôt jusqu'aux hanches, tantôt aussi, jusqu'au cou.
Il est assez amusant de se sentir, trempé comme une soupe,
mais la fatigue vient vite, au cours d'une pareille marche (progression
serait plus juste). Alors, ce que l'on considérait, comme un jeu,
devient quelque chose de fastidieux, de décourageant aussi, lorsque
chaque pas n'est avancé, qu'au prix des plus grandes difficultés.
Avant de sortir de la plaine des joncs: accrochage, ce que nous cherchions,
depuis ce matin.
Les V. M. continuent, heureusement pour nous, à tirer
très mal, ce qui fait que leur tir n'a pas été trop
meurtrier pour nous. Les Français ont alors brûlé quelques
paillotes, en représailles, dans le village, d'où les V.
M. venaient de partir. Les cannes à sucre furent très appréciées,
chacun ayant très faim et très soif. Un temps de repos bien
gagné.
Depuis le désert, il ne m'était jamais arrivé
de me sentir aussi crevé. Heureusement, les nerfs reprennent vite
le dessus. Nous avons longé un canal. Notre piste était coupée,
à chaque instant, de petits ponts, plus que rudimentaires. Arrivés
à un carrefour de canaux, nous nous sommes arrêtés,
une heure et demie. J'ai alors bien récupéré.
Les V. M. en ont profité, pour nous arroser de quelques
coups de fusil. Traversé l'un des canaux en LCVP, puis longé
l'autre, sur 6 kms, à vive allure, jusqu'à la route, où
les camions nous attendaient. Comme on les a bénis, ces camions
! Décidément l'infanterie sous-marine ne me convient pas
! Rentrés à GODEN vers 21 h 30. Un excellent repas. Il est
22 h 30. J'ai terriblement sommeil.
27-9-46: A part quelques coups de feu, tirés sur le poste
de CHO DEM, la nuit a été très calme et reposante.
Bonne grasse matinée, jusque 10 h. Me voici donc à peu près
reposé. Hier, un Fieseler d'observation a été abattu;
on l'a retrouvé. La compagnie de Légion, qui était
en difficulté dans la plaine des joncs, y a passé la nuit,
et a réussi à rejoindre le poste de DUC HOA.
Ici, gros travail de ce matin: nettoyage des armes et des munitions.
Elles en avaient bien besoin, après la randonnée d'hier,
en plaine des joncs. Petites occupations reposantes, le reste de la journée.
CHODEM, seul, est en alerte. Des jonques ayant été
signalées. Vers 17 h 30, des rassemblements insolites du côté
de BEN LUC. Rien de grave. A 20 h, PERRUCHON tire au F. M. Il y avait,
paraît-il, une vingtaine de V. M., à 100 mètres de
son poste. Excellente occasion pour tirer au canon (8 coups) et au PIAT
(3 coups). Les V. M. n'ont pas riposté. Donc, dans l'ensemble journée
de repos.
28-9-46: Nuit aussi calme que l'on pouvait l'espérer.
Résultat, chacun se retrouve tout guilleret, ce matin. Plusieurs,
même, chantent. Les prisonniers travaillent au renforcement architectural
du poste. Le Lt HENRIOT est allé faire un tour à BINH DIEN,
ce matin.
Ai demandé à PECASTAING, de venir prendre l'apéritif,
avec nous. A 11 h 15, il était ici. Quelques instants plus tard,
son adjoint nous a annoncé l'arrivée au poste de BEN LUC,
de quelques blessés indigènes.
Un accident dû, d'après eux, à un enfant,"
touche à tout", qui aurait rapporté à la maison, un
obus non éclaté. Résultat: trois morts, huit blessés.
Les blessés, dont deux enfants, sont en piteux état. Ai fait
le nécessaire, pour qu'ils soient transportés à l'Hôpital.
Par la suite, ai appris, que l'un d'entre eux, était mort en route.
Dans l'après-midi, suis allé chercher des munitions
et des armes automatiques, au NHA BE. (TEXACO). GETTO se débrouille
bien, pour nous ravitailler en munitions. Suis donc revenu avec un bon
chargement. A 20 h 30, suis allé avec un groupe de combat, dans
le village, histoire de rassurer la population. Vers 22 h 45, PECASTAING
nous annonce, qu'un camion civil, qu'il a contrôlé, doit passer
devant notre poste.
Comme il n'était pas là, une demi-heure plus tard,
je suis allé le chercher, avec un groupe de combat. Et voilà
maintenant: le camion, son chargement en personnes, en cochons et en paniers,
sous notre protection, au poste, jusqu'à demain matin. Il est 23
h 30, et aucun poste n'a encore été attaqué, ce soir.
GLOAGUEN, que j'ai rencontré, cet après-midi, au
groupe, m'a appris que le Cdt LANCRENON (Notre patron du 22eme GCFTA de
la 2eme DB) s'était tué accidentellement. (Encore un de plus
qui disparaît). Le Lt CONIL et le pilote du Fieseler n'ont pas été
retrouvés.
29-9-46: Nuit aussi calme que les précédentes.
A 7 h, ce matin, TAN BUU a encore aperçu une soixantaine de rebelles,
qui se trouvaient dans un bois près d'AP NHI. Une trentaine de coups
de 40 de tirés.
Au cours de la matinée visite d'un notable. Il m'a apporté
quelques renseignements intéressants. Le canon semble vouloir faire
son effet politique. PECASTAING est arrivé avec le père LEGER,
vers 11 h, tandis que le Lt HENRIOT était allé à SAIGON,
chercher une AFAT. Vers 12 h, tout le monde était ici, même
LAPEZE avec une Assistante sociale.
On s'apprêtait à faire un bon gueuleton, en bonne
compagnie, quand, vers 12 h 15, un coup de téléphone est
venu déranger nos plans. Deux Spitfires s'étant télescopés,
ce matin, un seul a pu rejoindre sa base. L'autre s'était écrasé
dans les rizières, à environ 4 kms, au N. O de CHO DEM. Il
a donc bien fallu y aller. Trois groupes de combat, avec PECASTAING et
moi.
Trois compagnies de Légion, à notre disposition.
En tête, comme toujours, en raison de sa vitesse, après avoir
tiré sur des fuyards, et tué probablement un V. M., PECASTAING
a rapidement découvert l'avion. Celui- ci était en pièces
détachées. Les V. M. l'avaient déjà visité,
et pris tout ce qu'il y avait d'intéressant. Le corps du pilote:
complètement déchiqueté.
Revenus dans la soirée, d'abord à CHO DEM, puis
à GODEN. Je commençais à avoir réellement faim.
Il est 22 h maintenant. PECASTAING a tiré, il y a quelques minutes,
sur une paillote, d'où étaient partis des coups de feu. A
part cela, secteur calme.
30-9-46: Nuit très calme. Me suis levé, à
8 h 30. PECASTAING est venu nous voir dans la matinée. Me suis occupé
d'un tas de compte rendus. Les opérations retardent toujours la
paperasse ! La pluie ne cesse de tomber, ces jours- ci.
Au début de l'après-midi, je suis allé avec
BAIL, faire un tour à l'école. J'avais besoin de renseignements,
pour mon compte rendu, concernant la rentrée des classes. Dans notre
sous-secteur, le nombre d'élèves semble augmenter constamment,
mais il y a beaucoup à faire, pour atteindre les chiffres des années
précédentes.
Contrairement à certains bruits, qui avaient couru, le
Lt CONIL n'a pas encore été retrouvé. J'avais à
peine terminé mes paperasses, que le père LEGER est arrivé.
Jusqu'à demain, il reste avec nous. PERRUCHON est venu nous voir
dans la soirée, qui s'est passée bien calmement.
Il semble que les V. M. ne se sont pas plu, dans notre sous-quartier,
et qu'ils sont allés chercher fortune, ailleurs. Cela fera beaucoup
de bien à nos hommes, qui se sont beaucoup dépensés,
ces dernières semaines, au cours desquelles, aux gardes habituelles,
venaient s'ajouter, de nombreuses, et parfois éreintantes patrouilles.
Partir en patrouille, avec des groupes complets, ne pose jamais
de problème. Le plus difficile, c'est de DESIGNER LES VOLONTAIRES,
lorsqu'on en a besoin, en nombre restreint, et sans faire de jaloux ! TOUT
LE MONDE EST VOLONTAIRE !
Au cours de nos veillées, il nous arrive souvent, d'évoquer
nos aventures passées, en AFRIQUE, et surtout en FRANCE. En pensant,
au froid, des VOSGES, par moins 28°, presque tous, nous préférons
la rizière. Le froid est une chose aussi terrible que la plaine
des joncs, surtout pour des coloniaux, habitués aux hautes températures.
1-10-46: Nuit délicieusement calme. C'est aujourd'hui
la rentrée des classes en FRANCE. Ici, elles ouvrent, avec 15 jours
d'avance. La pluie d'hier a rafraîchi l'atmosphère. Les oiseaux
chantent, l'INDOCHINE est un beau pays varié. En temps de paix,
la vie doit y être magnifique.
En ce moment, les prisonniers sont occupés à nettoyer
les véhicules. Il y a inspection, cet après-midi. Le PASTEUR
est arrivé de MARSEILLE. Les passagers ont commencé à
débarquer, hier soir. Le Capitaine OLLIVET et PECASTAING, sont venus
nous voir, dans la matinée. Une petite opération en perspective,
au Sud de BEN LUC où deux bandes sont signalées.
CREIGNOU a quitté le poste de CHO BAHOM. Il a déjeuné
avec nous, ainsi que DUFFAUD. Dans l'après-midi, je l'ai emmené
dans son nouveau poste, qui est PHUOC VAN. Y ai visité l'école.
Suis ensuite allé à BEN LUC. Revenu à GODEN, le toubib
RAYNAUD y était. Il voulait aller à PHUOC VAN, mais il ne
connaissait pas la route. Je me suis donc proposé pour l'y conduire.
Pendant ce temps, le père LEGER est retourné au
groupe. Sa tournée, dans la batterie" C", est terminée. Ce
soir, à GODEN, nous avons comme chef de poste: DUFFAUD (Encore un,
de mon ancienne équipe de déchargement. Il est à remarquer,
que presque tous les membres de mon équipe, sont présents
ici. Ce sont de braves petits gars, avec qui on aime bien vivre.)
Ce soir, je tiens mon groupe de combat prêt, car PECASTAING
monte une embuscade de nuit, au Sud de BEN LUC. En cas de besoin, je dois
lui venir en aide, dans les plus brefs délais. La lune commence
à faire son apparition. Très aimée, elle aide beaucoup
les hommes de garde.
2-10-46: Quelques coups de feu, hier soir, à BINH CHANH
et à TAN BUU. PECASTAING est rentré, à minuit, sans
résultat. Nuit très calme.
Debout à 7 h 30, frais et dispos. Le Lt HENRIOT est parti
pour CAN GIOC, à 9 h 30. PECASTAING et MORVAN, sont venus prendre
l'apéritif. A 13 h, LAPEZE est arrivé. Il a déjeuné
avec nous. Petites discussions intéressantes, dans l'après-midi.
Interrogatoires non moins intéressants. Ai appris que, hier à
BINH CHANH, un partisan déserteur, nous avait kidnappé un
indicateur.
Le Lt HENRIOT est rentré dans la soirée. PERRUCHON
est venu nous voir, ce soir. Il s'attend à une recrudescence d'agitation
V. M. Il est vrai, qu'en ce moment, ils paraissent un peu trop calmes.
Ils sont probablement en train de se reformer.
Ai préparé également une planchette de batterie,
pour le cas où l'on aurait à tirer, avec le 25 Pounders.
Il ne reste plus, qu'à mettre le canon en surveillance. Le Lt HENRIOT
s'est déguisé en mécanicien. Sa jeep lui cause bien
des tourments.
On se demande toujours ce que sera, l'application, DU MODUS VIVENDI.
Quoi qu'il en soit, nous sommes prêts à toute éventualité.
Ce soir, j'ai dit à CHO DEM de tirer quelques coups de 40. Il avait
entendu des bruits, des cris de femmes (probablement inquiétées
par les V. M.). Un fait est certain: la voix du canon a ramené le
silence !
3-10-46: Encore une nuit calme. Ce matin, temps orageux. Dans la matinée
visite du Cdt CHANSON, au poste de PHUOC VAN.(Au Sud -Est de GODEN). Le
Lt HENRIOT l'accompagnait. PECASTAING est venu nous voir. Pendant ce temps,
je compulsais mes dossiers de renseignements.
Dans l'après-midi, suis allé voir PERRUCHON, pour
qu'il m'arrête un suspect, puis je suis allé à BINH
CHANH, BINH DIEN et CHO DEM. Ces deux kms, entre BINH DIEN et CHO DEM,
sont particulièrement mauvais. Heureusement, j'avais ma jeep passe-partout.
De retour à GODEN, vers 17 h.
PETIT et SANTINI sont arrivés par le PASTEUR, mais je
ne les ai pas encore vus. En ce moment, le sous-quartier est d'un calme
inquiétant. Une opération de grande envergure se prépare.
Il y a quelques centaines de V. M., pas trop loin de nous. Dans la soirée,
une petite alerte.
Cela m'a donné l'occasion, d'aller faire un petit tour
dans le village. Tout y est également très calme. Demain
matin, nous fournissons trois groupes de combat, pour une opération.
PECASTAING commandera cette section.
4-l0-46: Ai été réveillé deux fois,
la 1ere par les hurlements d'un chien au village, la 2eme par le passage
de toute une colonne de véhicules (Il y avait même des A.
M.). Nos trois groupes de combat sont partis, à 7 h 35. Peu après,
ai appris la raison des coups de feu d'hier soir: un V. M. notoire, a été
exécuté, par d'autres V. M. Tout va bien, s'ils commencent
à s'entre-tuer.
Dans la matinée, interrogatoire de prisonniers. PERRUCHON
est allé voir le fusillé, (12 balles dans la poitrine), puis
est venu me rendre compte de sa mission. Visite de LAPEZE, qui a déjeuné
avec nous.
Me suis surtout occupé de paperasses. Le canon de BINH
DIEN est passé à TAN BUU. Il y aura bientôt du bruit,
car le secteur Ouest de TAN BUU, mérite d'être sérieusement
arrosé. Notre section est rentrée, vers 18 h (RAS). Ensuite,
je suis allé en jeep, à BINH CHANH. Ce soir, une petite patrouille
au village, sans incident.
5-10-46: Vers minuit, avons été réveillés
par un coup de téléphone, qui nous demandait un groupe de
combat, pour accompagner trois A. M., devant se rendre dans la région
de TANAN. (Au sud de BEN LUC). BARE y est allé.
Aux environs de 3 h, encore été réveillés
par le Sous-officier de quart. Des bandes étaient signalées,
se promenant, entre CHO BAHOM et CHO DEM. La ligne téléphonique
avec BINH DIEN est coupée. Les sabotages de lignes sont assez fréquents
et les téléphonistes ont pas mal de travail. Parfois, ils
ont la surprise de rencontrer des poteaux, qui, plantés trop verts,
reprennent racines, offrant un spectacle inattendu !
Dans la matinée, avec le Lt HENRIOT, sommes allés
au poste de CHO DEM. La route, en réparation, est en net progrès.
Puis BINH DIEN, TAN BUU (qui emploie la diplomatie merveilleuse de la menace
de tirs d'artillerie) et à BINH CHANH. Revenus à GODEN, vers
midi.
Ici, une palissade légère, en bambou, est en cours
de construction. Elle nous présente une garantie, contre une attaque
rapprochée, toujours possible (Surtout par nuit noire). Le Lt HENRIOT,
parti à SAIGON, à 15 h, est rentré à 18 h.
TAN BUU a essayé son canon: il marche. Le MDL DUMAS est rentré
de DALAT, où il était au repos. (En même temps que
trois hommes de la batterie).
6-l0-46: Dimanche. Nuit calme dans l'ensemble du sous-quartier.
Matinée au poste dans la paperasse.
En fin d'après-midi, PECASTAING est venu. Ce soir, je
m'étais étendu sur le divan, je devais y être très
bien, car il a fallu que le Lt HENRIOT me réveille, à 22
h. BINH DIEN, pendant ce temps, venait de tirer, au 40, sur des gens, qui
circulaient près de son pont de chemin de fer. A part cela, dimanche
de tout repos.
7-l0-46: Ai déjà sept mois de présence en
INDOCHINE, aujourd'hui. Le temps passe toujours à toute vitesse.
Le Lt HENRIOT, est encore reparti quelque part, dans la matinée.
A midi, il n'était pas encore revenu.
Dans la matinée, suis resté au poste. PECASTAING
est venu me rendre visite, mais il n'est pas resté longtemps. La
chaleur augmente de plus en plus, tandis que les averses se font, de plus
en plus rares.
Dans le poste, les coolies s'affairent: nettoyage, rehaussement
des murs de protection, qui s'étaient trop affaissés. Mise
en place de la barricade extérieure, en bambou. En fin d'après-midi,
LAPEZE est venu au PC, mais pas pour longtemps. Le Lt HENRIOT est arrivé
du Groupe, à la tombée de la nuit.
PECASTAING a fait une patrouille, dans l'après-midi. PERRUCHON
est venu m'apporter un renseignement: passage d'une centaine de rebelles
armés, à LONG PHU, direction Sud Nord, à 1 h, la nuit
dernière. Après-demain, j'ai un colis de café à
expédier à la TAVERNE ALSACIENNE, à SCEAUX. Il est
22 h. La lune bat son plein. Calme.
8-10-46: Avant d'aller se coucher, ce soir, le Lt HENRIOT a fait
tirer quelques balles traçantes, par certains postes, pour voir
la réaction des autres postes. La nuit a été très
calme. N'ai été réveillé, que par des bruits
amis: (Un convoi à 3 h). Une journée chaude s'annonce.
Le Lt HENRIOT est parti à 8 h, pour SAIGON. Toute la journée,
je me suis occupé à agrandir une carte de la région
de BINH DIEN, et à y tracer les plans de feux. (Canon et armes automatiques).
De bonne heure, le Lt HENRIOT est rentré, dans la matinée.
Nouvelle journée calme.
Dans notre poste, on aménage un terre-plein, en face de
la porte d'entrée. Les voitures étrangères pourront,
facilement, y faire demi-tour. Ce soir, avons encore perçu des munitions.
GETTO se débrouille comme un chef !
9-10-46: Nuit excellente, d'une clarté étonnante.
Ce matin, je suis allé à BINH DIEN, interroger des prisonniers.
Deux types intéressants, partisans suspects du pont de chemin de
fer de BINH DIEN. En ai interrogé un. L'interrogatoire terminé,
il s'est échappé ! Poursuivi de part et d'autre du Song CHO
DEM, il a été mortellement blessé, à 500 mètres
du poste. Revenu déjeuner à GODEN.
Au début de l'après-midi, on a essayé les
mitrailleuses japonaises: elles marchent très bien. Autour du poste,
les travaux d'aménagement continuent. Vers 15 h, suis retourné
à BINH DIEN, pour interroger le 2eme partisan suspect. Il est maintenant
convaincu d'intelligence avec l'ennemi.
Il devait déserter, très prochainement, avec arme.
10-10-46: Nuit calme comme prévu. Me suis réveillé
à l'heure habituelle, pour signer le carnet de bord de la voiture
de ravitaillement: Premier travail facile, du matin. Travaux d'aménagement
en bonne voie. Demain, il y a une opération d'envergure: quatre
groupes de chez nous y participent, commandés par PECASTAING. Il
s'en donne à coeur joie, ces derniers temps ! Avec ses grandes jambes,
il est avantagé !
11-10-46: Nuit calme. La pluie a eu pour effet, de la rendre
plus fraîche. Au réveil ce matin, fausse alerte. Quatre coups
de fusil, ayant été tirés dans le village, j' y suis,
allé faire un tour. Rien de grave: de l'intimidation !
Une grande opération, à l'échelon régiment,
est en cours ce matin. En fin de matinée, un Cdt, un Cne Médecin
et un Lt de la Légion, sont venus nous rendre visite. Début
de l'après-midi, je continue les paperasses, puis je suis allé
à BINH DIEN. Revenu à 18 h 30. Vers 15 h 30, nos groupes
de combat sont rentrés, sans grand résultat. Ce soir, à
GODEN, lecture des journaux de FRANCE.
12-10-46: Nuit très calme. Visite du Colonel DURAND, qui
est passé dans tous les postes, pour terminer par le nôtre,
vers 12 h 45. Dans l'après-midi, le Lt HENRIOT est allé au
groupe. Pour ma part, je suis allé à SAIGON (Histoire de
vote) puis à OPAQUE, à CHOLON. Revu GOURBAT, LOSSOUARN et
deux autres vieilles connaissances. Je suis revenu à GODEN, à
la nuit tombante.
Une demi-heure plus tard, le Lt HENRIOT est arrivé à
son tour mais, tandis que j'étais sec, lui, était complètement
trempé, ayant été surpris par un orage plutôt
violent. La foudre est même tombée, pas très loin d'ici.
Dans la soirée, avons discuté sur la politique
française, en INDOCHINE. Sans être pessimiste, il faut convenir
qu'elle est trop incertaine, pour être brillante. Le résultat
immédiat est, que la population ne travaille pas avec nous. Trop
PEUR des V.M.
13-10-46: Nuit extraordinairement pluvieuse. Ce matin, l'eau
recouvrait presque entièrement le poste. Le RACH déborde,
ainsi que la mare. On s'est levé de bonne heure. Un bureau de vote,
passant dans tous les postes, devait être ici, à 7 h 30. Comme
par hasard, il est allé d'abord, à DUC HOA et, finalement,
il n'est pas venu du tout !
Mon cousin JEAN LE DLUZ, avec qui j'étais parti en ANGLETERRE
en l940, sur le" POURQUOI PAS?", est actuellement en BRETAGNE, à
HENVIC. La guerre l'a conduit, jusqu'en NOUVELLE CALEDONIE, où il
s'est plu, à tel point, qu'il a épousé une fille du
pays, qu'il est venu présenter à la famille, avec l'intention
de retourner là-bas.
Et voici un nouveau dimanche calme de passé. On ne se
couche jamais de bonne heure, le Lt HENRIOT et moi !
14-10-46: Suis allé à BEN LUC, dans la matinée.
Ai ramené CREIGNOU et PECASTAING, à GODEN. BONNAVAL, AURIGAN
sont venus également. Après une réunion sympathique
de service, devant un pastis, nous avons déjeuné ensemble,
mais assez tard, relativement (14 h). Dans l'après-midi, suis retourné
à BEN LUC et à PHUOC VAN (Dans ce dernier poste, pour y prendre
des renseignements sur les V. M. connus, de leur coin).
A 16 h, de retour à GODEN. Le Lt HENRIOT est rentré
à la nuit. PECASTAING nous a apporté un renseignement: 100
rebelles à l'Ouest de THANH HA.
A 20 h 15, BINH DIEN a tiré quelques coups de 40, sur
les alentours du poste de partisans, du pont de chemin de fer. A 22 h,
la lune s'est levée. Le restant de la nuit sera probablement calme,
la lune déplaisant toujours autant aux V. M. Les premiers résultats
du référendum sont arrivés de FRANCE: Les OUI triomphent.
En INDOCHINE, les militaires, ayant pu voter, sont peu nombreux.
Un vrai scandale ! Il semble que le seul droit, qui leur soit
accordé, est celui de patauger dans les rizières et de se
faire détériorer, à l'occasion. Des comptes rendus
indignés, sont partis de différentes unités.
15-10-46: Nuit calme. Le Lt HENRIOT est allé à
CAN GIOC, demander un 25 pounders. PECASTAING est venu nous voir, dans
la matinée. Sur les entrefaites le Cne DENINGER, et le père
LEGER sont venus nous voir, puis LAPEZE, MONTPARLE, ACQUAVIVA. Avons déjeuné
ensemble, dès le retour du Lt HENRIOT.
A 15 h 30, le 25 pounders est arrivé, près de BEN
LUC. Avons tiré 83 coups, sur une bande, signalée hier, par
PECASTAING. Tir terminé à 16 h 50. Un petit tour au poste
même de BEN LUC. Puis, avec le Lt HENRIOT, je suis allé à
AN LAC, où l'on procède à la réfection d'un
pont secondaire. Arrêt à BINH DIEN, puis retour à GODEN,
à la nuit tombante.
Ce soir, BINH DIEN a encore tiré mais, cette fois, en
direction de CHO DEM. A part cela, tout est calme ce soir. Il va être
minuit. La lune, notre bonne lune, monte. En allant faire un tour du côté
du canon: une émotion: un grand bruit dans la mare (Ce n'était
qu'une noix de coco, tombée du cocotier, donc de très haut
!).
16-10-46: Ce matin, je me suis réveillé, pour de
bon, car le soleil me dardait de ses rayons, tout chauds, férocement,
à travers la fenêtre. Paperasses dans la matinée. Vers
11 h 30, DOREAU et PECASTAING sont venus. Avons déjeuné ensemble,
le plus agréablement du monde.
D'après les renseignements, le tir d'hier était
très bien. Tant mieux. Dans l'après-midi, DOREAU et moi,
sommes allés reconduire PECASTAING, à BEN LUC. Retour à
GODEN, vers 15 h.
Nous commencions à dîner ce soir, quand, brusquement,
nous avons entendu deux coups de pétard, du côté du
village, puis, j'y suis allé en patrouille. Calme parfait. Rencontré
PERRUCHON, qui m'a affirmé que ces deux coups de pétard étaient
passés par dessus son poste.
Si on nous attaque, avec des revolvers, maintenant, on va s'amuser
comme des petits fous. Rentrés au poste, avons tiré un coup
de PIAT et deux fusées blanches. Elles éclairent même
très bien. (Cela m'a rappelé la 1ere nuit de Normandie en
1944).
Dans la soirée, des compte rendus, comme d'habitude. Il
est minuit. La lune se lève.
17-10-46: Nuit calme. Réveil à 7 h 30. Quelques
paperasses. Assemblages de cartes, dans la matinée, puis je suis
allé au NHA BE, à la Bie" A", où j'ai déjeuné.
Cela m'a permis de voir: le Cne DENINGER, le Lt CARADEC, GETTO, DOREAU
et quelques Sous-officiers: LAGADEC entre autres. Lui aussi est, on ne
peut plus heureux, d'avoir quitté la section de transport, où
il serait encore si MOREL ne l'avait pas remplacé. En revenant,
je me suis arrêté à BINH DIEN, pour prendre de l'essence.
Y ai rencontré le Lt-Cel DURAND. De retour à GODEN,
à 16 h 30, juste, à temps pour ne pas être mouillé.
En fin d'après-midi et dans la soirée, travail sur les cartes
et les compte rendus habituels. Un régulier n'est pas rentré
de permission, à BEN LUC. Un tract V. M., trouvé ce matin
par un notable, dans le village. Il est déjà minuit.
18-10-46: Matinée et après-midi dans les cartes.
PECASTAING est venu apporter des renseignements très intéressants,
sur son secteur.
Le Haut - Commandement, lui même, commence à se
préoccuper sérieusement de la question. Visite de Mlle ROUSSEL,
venue vendre sa marchandise (Savon, papier, etc). Ce matin, le Lt HENRIOT
est revenu, amenant un 25 pounders et la jeep, qui est réparée.
Dans la soirée, préparation de l'opération de demain.
La chienne NENETTE a fait ses petits: il y en a six.
19-10-46: A 5 h 30, réveil. L'opération a commencé
à 6 h 30, avec neuf groupes. On a tiré sur un certain nombre
de fuyards, particulièrement dans la région de la passerelle
de THANH HA, et puis au Nord-Ouest.
En somme, ce fut une agréable promenade, tantôt
sur les diguettes, tantôt dans la rizière tantôt aussi
en sampan, en particulier pour la traversée de certains RACHS. De
retour vers midi. Dans l'après-midi, le Lt HENRIOT est allé
à CAN GIOC. (Un accrochage ayant été signalé).
Pendant ce temps, l'Administrateur adjoint et le Lt ROMETTE sont
venus au poste. Les ai reçus. Conversation intéressante sur
la politique intérieure de la Cochinchine. Ce soir, un partisan
de notre poste, a déserté en emportant son arme.( Peur, pour
sa famille !)
20-10-46: Nuit délicieusement calme, troublée seulement
par l'orage. Dans la matinée, je me suis occupé de la carte
au l/25. 000. PERRUCHON est venu nous voir. Puis le Docteur RAYNAUD. Ce
dernier à déjeuné avec nous. Dans l'après-midi,
je l'ai accompagné à PHUOC VAN, puis sommes revenus à
GODEN.
Chaque fois que je parle du Dr RAYNAUD, notre toubib, une anecdote
me revient automatiquement en mémoire: Un de ses diagnostics, à
l'Hôpital, où nous avions évacué, aussi vite
que possible, un de nos Annamites de GODEN, blessé par une balle,
au cours d'un harcèlement du poste.
La balle lui avait, tout simplement, traversé le cou.
Entrée et sortie parfaitement propres. Dès qu'il est revenu
à lui, le Docteur RAYNAUD était là. Lève ton
bras droit: le bras droit s'élève. Lève ton bras gauche:
le bras gauche s'élève: Lève ta jambe droite: la jambe
droite s'élève. Même question et même résultat
pour la gauche. Conclusion: Notre petit Annamite revenait de loin, mais
INDEMNE. Cette balle sympathique avait écarté, délicatement,
tout ce qu'il pouvait y avoir de fragile, sur son passage ! (Miracle ?!)
Me suis de nouveau occupé de la carte. Le Lt HENRIOT,
parti ce matin, à SAIGON, a rencontré le Capitaine LAGARDERE
et le nouveau COMMANDANT OSTY. Il a déjeuné au groupe, et
n'est revenu que ce soir, à l'heure du dîner. Dans la soirée:
compte rendus divers.
21-10-46: Réveil tardif, ce matin. Nuit assez calme. Réveillé
à 1 h 30, par la lueur d'une fusée éclairante, allumée
par un chien, trop fureteur ! Matinée et après-midi au poste.
Quadrillage des cartes assemblées.
Ai préparé également une planchette de batterie,
pour le cas où l'on aurait à tirer, avec le 25 Pounders.
Il ne reste plus, qu'à mettre le canon en surveillance. Le Lt HENRIOT
s'est déguisé en mécanicien. Sa jeep lui cause bien
des tourments. On se demande toujours ce que sera : l' APPLICATION
DU MODUS VIVENDI. Quoi qu'il en soit, nous sommes prêts à
toute éventualité.
Ce soir, j'ai dit à CHO DEM de tirer quelques coups de
40. Il avait entendu des bruits, des cris de femmes (probablement inquiétées
par les V. M.). Un fait est certain: la voix du canon a ramené le
silence !
22-10-46: Nuit calme dans l'ensemble, pour notre sous-quartier.
Il n'en a pas été de même dans la région de
MY THO. Un pont, sur la RC 16, (SAIGON -MY THO) a été endommagé,
et un tronçon de voie ferrée retourné. La circulation
a donc été interrompue, un bon moment, dans la matinée.
Le Lt HENRIOT est allé voir le Lt-Cel DURAND, ce matin.
Opération, dans le secteur d'AN THANH, reportée, du fait
que les bandes ne se sont pas encore regroupées, depuis notre tir
au 25 Pounders. Voilà réellement un canon dissuasif. A midi,
le Lt HENRIOT était de retour. PERRUCHON est venu nous faire ses
adieux, étant relevé de son poste, à GODEN.
Dommage qu'il s'en aille. C'était réellement un
brave type. PECASTAING a arrêté un individu (Sujet français
de COCHINCHINE) qui ravitaillait les V. M, en produits pharmaceutiques,
tels que quinacrine, sirops, etc. Suis donc allé à
BEN LUC, dans l'après-midi. Cet individu ne crâne pas beaucoup.
Fin d'après-midi, à GODEN. Ce soir, BINH DIEN a
tiré quelques coups de 40, au grand désespoir d'un groupe
de G. R., qui craint les" boules rouges". TAN BUU a tiré également,
mais au F. M., son secteur ayant osé s'agiter. Voilà une
chose à ne pas faire, près des postes.
23-10-46: Matinée et après-midi au poste. La nuit
a été assez calme. Ce matin, le Lt HENRIOT est arrivé
à mettre sa jeep au point. Pendant ce temps, je m'occupais des paperasses,
en particulier une note de service, concernant les incidents de tir, au
40. La pièce de BINH DIEN, ayant encore été endommagée.
Pas de morts, heureusement.
Au courant de l'après-midi, tandis que je" garde la maison",
le Lt HENRIOT est retourné au groupe. L'individu d'hier, a été
remis au Lt ROMETTE. (S. R. du quartier). Le poste de BINH CHANH a été
relevé, nous n'avons donc plus que six postes. La situation s'améliore.
Ce soir, on a donc un armement capable de tenir tête à un
millier de rebelles. Nous avons dû fournir un groupe de combat, pour
accompagner trois A. M., dans la région de MY THO. Il ne rentrera
probablement que demain.
24-10-46: Debout de bonne heure: quelques coups de fusil, tirés
par le S/Lt BEAUGENDRE à l'Est d'ici, m'ayant réveillé.
A 9 h, suis avec PECASTAING. A BINH DIEN, on a changé de voiture.
Panne d'essence, à 800 mètres, puis de nouveau à l'entrée
de CHOLON. Avons pris la voiture de dépannage. Arrivés au
groupe à 12 h 30.
Tout le monde était déjà à table.
Ce repas était en l'honneur du Commandant OSTY (Nouvellement promu).
Dans l'après-midi, sommes allés au NHA BE. Au retour, un
petit tour au garage. De nouveau en panne, sur le chemin du retour, entre
le garage et le groupe. Rentrés à BINH DIEN, pratiquement
sans phares. De nouveau, changement de voiture. Celle ci a bien voulu marcher.
A 20 h 30, j'étais à GODEN, 10 minutes plus tard, PECASTAING
était à BEN LUC.
En définitive aujourd'hui nous avons vu DOREAU, MORIN,
GLOAGUEN, CARADEC, DENINGER, RAYNAUD, ST PAUL, LAGARDERE, GETTO, le Cdt
et l'Assistante Sociale.
A 21 h 30 TAN BUU a tiré au 40 et au F. M., en direction
de son pont. Dix minutes plus tard, j'arrive sur les lieux, avec les groupes
de BEN LUC, GODEN et BINH DIEN. Le pont était intact. Avons fait
une patrouille dans le village de TAN BUU, puis nous sommes revenus à
nos postes respectifs. Avons utilisé des fusées éclairantes.
25-10-46: Avons légèrement sommeil ce matin. Réveillé
par PECASTAING, qui me jetait des petits cailloux, par la fenêtre
! Quatre groupes de combat étaient ici, en réserve. Dans
la matinée, nettoyage complet du poste, en vue d'une visite de l'après-midi.
Vu DOREAU, GETTO, et enfin PETIT qui sont ensuite allés déjeuner
chez PECASTAING.
Dans l'après-midi, le Cdt du Quartier, le Lt-Cel DURAND,
le Cel CHANSON et le Général DOMINY sont venus à GODEN.
Leur ai présenté les deux sections de garde. Conversations
intéressantes, sur la situation actuelle en INDOCHINE. (A partir
d'aujourd'hui, ce sera comme d'habitude). On aurait pu penser qu'il allait
en être autrement. Maintenant nous sommes fixés ! Reçu
ma carte FFL.
26-10-46: Nuit calme. A 7 h, debout. Je dirigeais une petite
opération, avec cinq groupes de combat, et un de réserve,
dans la région de TAN NHUT. Elle s'est révélée
plus intéressante que prévu. Une imprimerie a été
découverte. Un de nos groupes a évité une embuscade
et (quoique accroché) a mis une trentaine de rebelles en fuite.
PECASTAING et CREIGNOU, eux, sont tombés sur un poste avancé
V. M. Quatre V. M. ont été faits prisonniers. Rentrés
à 15 h, à GODEN, après être passés par
BINH DIEN.
Au courant de l'après-midi, le Lt-Cel DURAND et le Cdt
OSTY, sont venus ici. Il y a du déplacement dans l'air. Tri des
documents V. M. (Il y a même du matériel de polycopie). Ce
soir, avant la tombée de la nuit, mise en direction du 25 Pounders.
Vers 20 h, essai du tromblon V. B. Puis discussion avec le Lt HENRIOT sur
l'artillerie de campagne (Mon dada!)
27-10-46: Debout frais et dispos, à 7 h. (Donc la nuit
a été calme. Ce matin, le Lt HENRIOT est allé à
la salle des ventes. Le capitaine HERBELIN et le Lt ROMETTE, sont venus
me voir. Ce dernier a paru enchanté des renseignements, que les
documents d'hier vont pouvoir lui apporter. PECASTAING s'est rendu, avec
trois groupes de combat, à OPAQUE vers 11 h. A 12 h 30, il était
de retour. Le Lt HENRIOT est rentré également, vers la même
heure.
L'adjudant-chef ALZIEU est venu déjeuner avec nous. Dans
l'après-midi, avons inauguré nos tirs au 25 Pounders. La
maison, ici, en a tremblé. Avons appris, ce soir, que quatre paillotes
étaient en flammes. Cela a dû faire du dégât
chez les V. M. Le Lt HENRIOT, qui était allé raccompagner
ALZIEU, est rentré à la nuit.
28-10-46: Journée assez chargée. Ce matin, je suis
allé à SAIGON, avec le Lt HENRIOT. En ai profité,
pour voir le Capitaine JACQUIN (Président de l'Association FFL).
Sommes allés voir le tailleur. Puis, au retour, sommes passés
à CHOLON (1er Bureau EMG) (Inspection), puis à BINH CHANH,
où une nouvelle affaire de désertion est en cours. Déjeuné
à GODEN. L'après-midi, je suis retourné à BINH
CHANH.
Au retour, à GODEN, quelques émotions. Tir de trois
F. M., dans trois directions différentes. Rien de grave. Nos patrouilles
au travail. Ce soir: dans les compte rendus. Minuit est déjà
passé.
29-10-46: Réveil assez pénible. Couché tard.
Dans la matinée, je suis allé à BINH CHANH (Panne
de voiture en plein village de BINH CHANH. Vers midi, ai fait tracter mon
camion, jusque BINH DIEN. Vu LAPEZE. Le Lt HENRIOT, s'étant rendu
à CAN GIOC et au groupe, n'est pas rentré avant 15 h 30.
A 15 h, je suis allé à BEN LUC. Dans la soirée, des
coups de canon et d'armes automatiques, en direction de SAIGON.
Aujourd'hui, A MINUIT, C' EST A DIRE, MAINTENANT, LE MODUS VIVENDI
DOIT PRENDRE EFFET! Théoriquement, cela devrait amener la fin des
hostilités. En fait, pour ma part, JE SUIS PLUTOT SCEPTIQUE. Nous
avons reçu des ordres en conséquence, et nous les appliquerons,
intégralement. Mais quelle sera l'attitude des rebelles ? Qu'ils
se méfient, nous ne sommes pas du tout décidés, à
nous laisser marcher sur les pieds; encore moins, à nous laisser
massacrer.
30-10-46: Il paraît que c'était la Centrale Electrique
et les Abattoirs qui étaient attaqués, hier soir, à
CHOLON. Toute la nuit a été calme, dans l'ensemble de notre
sous-quartier.
Ce matin, je suis allé à PHUOC VAN, et à
TAN BUU, expliquer les nouveaux ordres. A part une diminution et parfois
une suppression des marchés (Sur ordre V. M.!), tout s'est passé
normalement ce matin. Ai vu PECASTAING, c'est lui qui m'accompagnait. Lui
aussi, a des tracas avec sa voiture.
Hier soir, le Lt HENRIOT a acheté un phono. A midi il
a apporté des disques. (Musique classique). Après-midi dans
les paperasses. En fin d'après-midi, partie de médecine-ball,
dans le poste.
On entend les symphonies de BEETHOVEN ! Vers 20 h 30, tam-tam,
clairons, cris en direction de LONG DINH. PECASTAING, parti en patrouille,
a trouvé des drapeaux rouges, à étoile jaune, sur
les bords de la route coloniale. (Ce matin, des nattes avec inscriptions
V. M., montées sur des assemblages de bois, descendaient le courant,
en face de son poste. Vers 22 h, sommes allés faire une patrouille
dans le village. Tout est calme.
Aujourd'hui, l'Amiral THIERRY D'ARGENLIEU a prononcé un
discours, sur son interprétation du MODUS VIVENDI (Version française).
3l-l0-46: Nuit remarquablement calme. Matinée dans la
paperasse. Puis le Lt CARADEC, accompagné de ALBIS, CHAUVEAU, CLECH,
est venu payer la solde. Ils ont déjeuné avec nous. Vu les
gradés de TAN BUU, PHUOC VAN et BEN LUC (PECASTAING en particulier).
Il y a deux ans, on était à VATHIMENIL, BACCARAT
allait être prise, ce soir. Et demain, on devait y aller en DCA.
(Ce qui allait nous permettre de descendre les deux premiers avions allemands,
par notre batterie).
Après-midi tranquille. Des temps plus calmes semblent
être arrivés. Depuis le 29, aucun coup de feu n'a été
entendu, dans notre sous-quartier. Et pourtant, on assiste à certaines
provocations, qui étaient évidemment à prévoir.
Mais nous sommes sur nos gardes. Ce soir, TAN BUU aperçoit quelques
hommes, sur son marché. Ils posent probablement des tracts. A l'instant
(Il est 22 h 20) un caillou a été lancé sur le poste
de CHO DEM. (Qui vient de riposter, par un coup de fusil: le premier!).
1-11-46: Nuit excellente et très calme. Ce matin, quelques
paperasses, puis musique. Le Lt HENRIOT possède, en ce moment, de
superbes disques de BEETHOVEN, SCHUBERT, PAGANINI. LAPEZE est venu nous
rendre visite. Lui aussi, aime beaucoup la musique.
Depuis ce matin, nous avons libéré tous nos prisonniers.
Ce qui n'est pas pour leur déplaire ! Quant à nous, ils nous
débarrassent le plancher. Le temps passe toujours aussi rapidement.
Cet après-midi, le Lt HENRIOT est allé faire un tour au groupe.
Je reste donc, une fois de plus, à" garder la maison". Depuis avant-hier,
on a réellement la vie belle, surtout que les V. M. ont reçu
l'ordre, de ne pas attaquer nos postes.
Seules, nos patrouilles risquent quelque chose. Malgré
tout, la méfiance est de rigueur. Cet après-midi, l'aspirant
CHERON est venu nous rendre visite, puis il est allé à BEN
LUC. Le Lt HENRIOT est arrivé, vers 17 h 30, apportant de nouveaux
disques, prêtés par l'Assistante Sociale. Puis PECASTAING
est venu à son tour, mais pas pour longtemps.
Ai appris que, demain je vais à MY THO, pour la cérémonie
aux morts. (Au dernier discours de l'Amiral THIERRY D'ARGENLIEU, il y en
avait 25OO). Dans la soirée, paperasses.
2-11-46: Réveil à 6 h. A 7 h, je suis allé,
avec PECASTAING, et un détachement, à MY THO. Cérémonie
aux morts. Messe. Discours émouvant du Père COURTET. On nous
a ensuite réunis, au stade. Lever des couleurs. Appel des morts.
Discours du Colonel CHANSON. De nouveau les couleurs.
A 10 h 45, tout était terminé. Un tour en voiture,
dans la ville. Avons vu le MEKONG et quelques grands bâtiments officiels.
A midi, on était de retour, à BEN LUC et à GODEN.
Le père LEGER a déjeuné avec nous. Puis il est reparti
pour SAIGON, où une cérémonie aux morts a lieu, au
cimetière.
DOREAU, CARADEC et le Cdt OSTY étaient également
présents, ce matin, à MY THO, ce qui m'a permis de prendre
quelques photos, dont quelques unes amusantes. Au courant de l'après-midi,
je suis allé à TAN BUU, puis CHO DEM, en jeep, avec DUGOUA
et HOESTLAND, qui ont, enfin été libérés de
la trop fameuse section de transports. Le père LEGER est revenu
à GODEN. Il passe la nuit avec nous. Soirée très paperassière.
Ce soir, on entend des explosions, du côté du NHA BE.
3-11-46: Bien reposé, réveillé par le père
LEGER. Après avoir traînassé un peu, je suis allé
à SAIGON, avec le Lt HENRIOT; (visite au tailleur). Un petit tour
au hall d'informations, puis une glace, en face du CONTINENTAL.
De là, nous sommes repartis pour LONG HOA, en passant
par PHUOC VAN, pour prendre CREIGNOU. BEAUGENDRE nous avait, en effet,
invités pour le déjeuner. Très agréable réunion.
ROMETTE, en particulier, était de la partie. Enfin, à 16
h 30 nous sommes repartis pour PHUOC VAN, où nous avons laissé
CREIGNOU, en passant par BINH CHANH et GODEN.
Ce soir, conversations intéressantes avec le Père
LEGER, en matière de religion, surtout la religion, du point de
vue militaire, c'est à dire, singulièrement modernisée.
4-11-46: Nuit merveilleusement calme. Matinée dans les
paperasses. Pendant ce temps, le Lt HENRIOT, qui était allé
à SAIGON, faisait l'acquisition de nouveaux disques, (MOZART, BEETHOVEN,
LISZT) et les apportait à midi.
Dans l'après-midi, je suis allé à BEN LUC,
procéder à un interrogatoire. De retour à GODEN, vers
17 h. Le Lt HENRIOT est alors allé à OPAQUE, pour n'en revenir
qu'à 20 h. Pendant ce temps, le Père LEGER et moi, écoutions
des disques. Soirée musicale, mais paperassière aussi. Il
est déjà minuit, par habitude.
5-11-46: Nuit excellente, à la suite de la pluie d'hier
soir. Ce matin, le père LEGER est reparti. Le Lt HENRIOT est allé
au groupe. Pendant ce temps, je me suis occupé d'un dossier de traduction
devant un tribunal militaire, d'un déserteur, plus que problématique.
Des gens, prétendant qu'il a été enlevé par
les V. M., au poste de CHAT CADAO, dans la province de LONG XUYEN. Paperasses
dans l'après-midi.
Demain, nous occupons un autre poste: BIN TRI DONG, ou plutôt,
nous le reprenons. Vu LAPEZE, AURIGAN, CREIGNOU. Ce soir, le Lt HENRIOT
fait sa valise car, demain, il part pour PHNOM PENH, assister à
la fête DES EAUX. Il ne sera probablement pas de retour, avant cinq
jours. Je le remplace provisoirement. Avantage: je dispose de la jeep !
6-11-46: Ce matin, de très bonne heure, le Lt HENRIOT
est parti, avec CREIGNOU, pour PHNOM PENH. (CREIGNOU est le plus grand
bolide de la batterie, après PECASTAING qui, lui, est capable de
rattraper les V. M., à la course, sur les diguettes ! Il y avait
aussi PETITDEMANGE, VAN LAERE, et même un Cambodgien. Le camion était
fourni par la batterie, avec GONZALES comme chauffeur. Ce matin, en jeep,
je suis allé à SAIGON, puis à CHOLON, pour une enquête.
Rentré pour le déjeuner.
Dans l'après-midi, chasse poursuite. On devait arrêter
un employé de car, qui avait menacé un de nos tirailleurs.
L'avons rattrapé, un peu plus loin que TANAN ! En fin d'après-midi,
je suis allé à TAN BUU. (Interrogatoire) puis au NHA BE,
pour différents dossiers. Rentré vers 20 h. Ce soir, conversations
intéressantes, avec les Sous-officiers du poste. DUGOUA devient
le Chef de Poste de GODEN.
7-11-46: Nuit aussi calme que les précédentes.
Dans la matinée, suis allé chercher PECASTAING, à
BEN LUC, puis nous sommes allés à SAIGON, avec pour mission,
de ramener des disques" swing". Pas de chance: il n'y en a pas, d'arrivés.
Rentrés à GODEN pour déjeuner.
Dans l'après-midi, j'ai reconduit PECASTAING à
BEN LUC, puis je suis allé au groupe, pour différents papiers
urgents. Au groupe, j'ai vu GLOAGUEN, GETTO et MESSAGER. La Jeep me donne
quelques inquiétudes. La route étant souvent mauvaise, les
crevaisons sont fréquentes. Rentré ce soir, vers 19 h. Soirée
musicale au poste. La lune est magnifique.
8-11-46: Nuit calme. Dans la matinée, un tour à
BEN LUC, voir PECASTAING. Brusquement, le Lt ROMETTE est arrivé,
à son tour. Il voulait la confirmation d'un renseignement, sur la
région de PHUOC VAN. Sommes allés tous deux, à ce
poste. A midi, le Délégué du Centre est venu déjeuner
avec nous. Dans l'après-midi, BRAILLERE et PERRUCHON sont venus
nous rendre visite. Ce soir, quelques rentrées de DALAT. Nuit extraordinairement
claire.