OreilleG100

La Baraka d'un FFL 40



25. DONG SON

15-6-47: DEPART DE GODEN. Arrivé au NHA BE, au début de l'après-midi. Vu: DOREAU, MORIN, TARDIVEL, LAGARDERE, Mlle ROUSSEL. Arrivée des divers détachements.

 16-6-47: Je comptais repartir aujourd'hui, mais le Lt OULLIAC et le Père LEGER, arrivés aujourd'hui, ne repartent que demain.

 17-6-47: Départ à 8 h, avec l'ambulance. Quelques courses à SAIGON et à CHOLON. Visite au Colonel DURAND. Arrêt à BINH DIEN (Vu PECASTAING) et à GODEN (Cne ARCHIER, LAPEZE, MARBOUTY). Départ du convoi, vers 12 h 30. Déjeuner à MY THO. Visite au Lt-Cel NOBLET, cdt le Secteur de MY THO, et le 4eme RAC.  Vu le Cne BEAULIEU. (Cdt la BCAD). Reparti dans la soirée, pour GOCONG, où j'ai dîné. (Electricité, salle de bains. Quel luxe ! ). Je suis affecté, au 1er Groupe du 4eme RAC, ainsi que PESIN.

 18-6-47: Et voici aujourd'hui, une grande fête de la FRANCE LIBRE. Vu ce matin, le Cdt JOHNSON, Cdt  le 1/4eme RAC. Suis affecté à la 2eme Batterie, à DONG SON, PESIN aussi.

D O N G    S O N

Arrivé ici, à DONG SON, vers 12 h 30. Présentation au Capitaine DURAND, commandant la 2eme batterie, et au Lt BOULEY. Ce nouveau poste est tout simplement immense. La maison habitée était, paraît-il, hantée dans le temps. Attention la nuit prochaine !

 19-6-47: Nuit excellente. Par contre les VM ont travaillé et, ce matin, nous avons trouvé quelques tracts et un début de coupure de route, entre le carrefour, de la route Sud-   Nord, menant ici, et GOCONG. Tir sur cible, dans la matinée. A 9 h 30, nous sommes allés réparer la coupure.

 Dans l'après-midi, nous y sommes retournés. Ce soir, préparation d'un tir de harcèlement, pour la nuit prochaine. (4 coups, toutes les  heures.)

 20-6-47: Le tir de la nuit dernière ne m'a, que rarement, réveillé. Drôle de chose que le sommeil ! Les bruits prévus, même très rapprochés et très forts, ne nous réveillent pas forcément. Par contre, les bruits imprévus (Rafales de mitrailleuse, à plusieurs kms, et qui vont, peut-être, nécessiter notre intervention, par exemple) nous réveillent, instantanément.

 Ce matin, de bonne heure, le Lt BOULEY est parti en opération. Hier, on a été piqué contre le choléra. Aujourd'hui, je ne suis pas sorti du poste. Je commence à me familiariser avec les effectifs. Lecture des histoires de l'Adjudant DONATI! Ce soir, on craint une attaque contre le poste de RACH LA, à 2 Kms, au Nord d'ici.

 21-6-47: Ce matin, debout à 4 h, après une nuit calme. A 6 h, début d'une petite opération, dans la région de TAN NIEN TAY, TAN PHUOC.

 Ma section faisait partie de la compagnie, commandée par le Capitaine SOURMAIL (Cdt la 1ere Batterie) (Au 40eme RANA, dans la 2eme DB. La dernière fois que je l'ai vu, c'était le 24-11-44, à NEUDORF, au Sud de STRASBOURG, libérée la veille !)  Les VM avaient quitté TAN PHUOC, deux heures avant notre arrivée, comme par hasard.

 22-6-47: Journée très calme, de tout repos. A la nuit, visite de Mr NGHIA (Notre voisin annamite; pape caodaïste local, qui, m'apprend, que le Caodaïsme, créé en l923, admet beaucoup de prophètes, y compris JESUS CHRIST, MAHOMET, mais aussi VICTOR HUGO !

 Très riche et cultivé, il m'apprend également que, dans la Province de GOCONG, on cultive plus d'une dizaine de riz différents. Sommes allés prendre le café et le Cognac, chez lui. De 23 h à 1 h, patrouille à pied, sur la route de BINH THANH, à l'Est.

 Notre poste est donc une grande maison en dur, à un étage, et défendue par des blockhaus, murs de terre d'enceinte, et les inévitables haies de bambous (d'un franchissement difficile et dangereux, provoquant des plaies vite infectées, le tétanos n'est pas exclu).

 A l'Ouest, avec l'Adjudant BLANC, nous avons le poste de BINH PHUC NHUT,  sur le canal de CHO GAO. (Voie fluviale normale SAIGON - MY THO - PHNOM  PE NH)

Au Nord -Est, l'Adjudant BATTINI commande le poste de MY LOI,  sur le VAICO, et sur la route directe GOCONG -SAIGON.

 Ici, à DONGSON, nous disposons d'un canon de 25 pounders, avec lequel, nous faisons des tirs de harcèlement, sur des points de passages obligés, et aussi, à l'occasion, pour dégager nos patrouilles accrochées, ou nos postes attaqués. Nous sommes, à la fois, artilleurs et fantassins , comme à GODEN.

 Pas besoin de DCA, du fait que les VM n'ont pas d'avions.

 Ici, mon gros travail, en dehors des patrouilles, opérations et embuscades, va surtout être axé sur l'instruction. J'exige les 10 mètres de distance, entre chaque homme, en patrouille ou en déplacement.

 Ceci a été efficace, à GODEN, pour limiter, énormément, la casse, en cas de mauvaise rencontre.

 Démontage et remontage de l'armement (Fusil, mitraillette Sten, FM Bren anglais), de plus en plus rapide et, finalement, les yeux bandés. Fréquents tirs sur cible, avec les cartouches, ayant plus de trois mois de patrouille, en rizière, dans les mauvaises conditions. (Fréquemment trempées).

 En cas d'accrochage, discipline du feu, ne pas gaspiller ses munitions, inutilement, (Nous ne sommes pas au cinéma !) Rafales de 2 cartouches, 3 au maximum, sauf sur ordre exprès.

 Les Européens sont très peu nombreux, un pour dix environ (Chefs de section, de groupe, radios). En patrouille, la tenue des Européens est des plus simples: De bas en haut: les chaussures palladium, sans rebords de semelles (Afin de ne pas avoir des kilos supplémentaires de vase, à soulever, pendant la progression), short, chapeau de brousse, où l'on met les objets fragiles: briquets, cigarettes, boussole.

 Torse nu, comme les Gaulois ! (On y tient !) Les indigènes, par contre, comme ils ne sont pas des Gaulois ! (Malgré les livres d'histoire de l'école communale !), portent la chemisette, et, éventuellement, leurs galons. Les Européens ne portent pas leurs galons (Ils se connaissent suffisamment), sauf en cas d'opérations importantes, incluant des éléments extérieurs, ne nous connaissant pas. (Forcés, ils portent, alors la chemisette, comme à regret !)

 En cas d'accrochage sérieux, embuscades surtout, dans lesquelles on tombe, première réaction: tout le monde couché; ne pas jouer à la cible, ramper vers une position favorable de tir, puis insulter l'adversaire, pour l'inciter à donner l'assaut, moment favorable pour l'ajuster posément, et lui causer des pertes telles, que leur patron est obligé de réfléchir et, le plus souvent, de donner l'ordre de repli.

 Ne jamais paniquer, et, si le repli se transforme en débandade, poursuivre les désemparés, et leur causer de lourdes pertes supplémentaires. Contre les VM, inexpérimentés, à un contre dix, cette méthode m'a toujours réussi, contre des pertes insignifiantes.

 23-6-47: Ce matin, j'ai accompagné le Cne DURAND, aux postes de RACH LA et de MY LOI. (Sur le LCM 16, dont le commandant est un Quartier-maître de 1ere classe) (Ce bateau à fond plat, armé, s'ouvrant à l'avant, permet le transport d'une section d'une cinquantaine d'hommes).

 Dans l'après-midi, nous sommes allés au poste de BINH PHUC NHUT. (Avec le LCM, en empruntant le canal de CHO GAO). Dans la soirée, le Lt BOULEY, rentrant d'une corvée de réparation de route, a eu une mésaventure, qui aurait pu lui coûter cher, ainsi qu'à son chauffeur. En revanche, un VM intéressant a été arrêté.

24-6-47: Avec stupéfaction, je ne me suis réveillé, ce matin, qu'à 8 h 30. (Après 9 h de sommeil). Dans la matinée, instruction aux Annamites, sur le Fusil-mitrailleur (FM). Dans l'après-midi, interrogatoire de deux prisonniers, dont un VM certain. Soirée calme. Il y a 7 ans, j'approchais de l'île de BREHAT.

 25-6-47: Aujourd'hui, j'ai OFFICIEUSEMENT MES DEUX GALONS. La confirmation officielle, ne viendra pas avant un mois, probablement ! Ce matin, tir au fusil pour les indigènes. En fin de matinée, la liaison de GOCONG, a réussi à tuer un VM, et à en arrêter un autre. Dans l'après-midi, instruction sur le pointage au 25 pounders. Ce soir, à la veillée, discussion sur la DCA, avec le Cne DURAND et BOULEY.

 26-6-47: Dans la matinée, instruction aux indigènes. (Ecole de groupe). Ramper, progresser par bonds, se planquer, cela les amuse beaucoup. Dans l'après-midi, interrogatoire de trois prisonniers, dont un membre du Comité de Propagande de RACH LA. Ce soir, le Cne DURAND m'a appris, A JOUER AUX ECHECS. Il a plu énormément, en fin d'après-midi, ce qui fait que nous avons de nouveau de l'eau courante (Grâce a la citerne, à ciel ouvert, se trouvant sur le toit).

 27-6-47: Journée calme. Par contre, de 24 h à 6 h 30, nous avons eu beaucoup de mal, à sortir le gros camion" ALBION", du LCM 16.

 28-6-47: Ce matin, je me suis couché à 6 h 45, pour ne me réveiller, que vers midi. Dans l'après-midi: revue d'armes. Soirée tranquille. Parties de crapette et d'échecs.

 29-6-47: Dans la matinée, lectures diverses. Dans l'après-midi, partie d'échecs avec le Lt BOULEY. Ecrit au Cne JACQUIN, secrétaire de la section d'INDOCHINE de la FRANCE LIBRE.

 30-6-47: Dans la matinée: Au pas de tir. Fusil pour les Indigènes. Quelques bons résultats, mais encore insuffisamment nombreux.

 Dans l'après-midi, je suis allé au poste de MY LOI, sur un bateau bizarre, d'une lenteur désespérante. Le Lt BOULEY a quitté la batterie ce matin. Je deviens donc l'adjoint du Cne DURAND. (J'ai l'habitude !) A MY LOI, vu le Cdt JOHNSON et l'Aspirant GEISER. Ce soir, partie d'échecs avec le Cne DURAND.

 1-7-47: Sept ans de service, depuis ce matin, et presque tout, en campagne double. (Un an, égale : trois annuités !) (L'année normale, plus deux campagnes). Dans la matinée, tir au fusil pour les Européens. Je commence à devenir un spécialiste de la question ! Je croyais que je tirais plus mal. Dans l'après-midi, j'ai déménagé.

 J'ai pris la chambre de BOULEY, qui est nettement plus confortable. J'en ai profité, pour faire un tri, dans mes paperasses, que je traîne depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. Ce soir, partie d'échecs avec le Cne DURAND, qui me bat, avec une régularité désespérante ! Les VM préparent probablement un mauvais coup, car, depuis plusieurs jours, le calme le plus parfait, règne dans le quartier.

 2-7-47: Nuit calme. Dans la matinée, tir au fusil, pour les indigènes. Quelques progrès, mais encore trop légers. Dans l'après-midi, petite patrouille, à l'Ouest du village de DONG  SON, pour essayer de savoir, ce qu'est devenue la femme d'un régulier (Aucune trace, comme de bien entendu). Notre liaison de MY THO n'est rentrée que vers 19 h 30. Ce matin, notre camion est tombé dans une embuscade: radiateur transpercé.

 3-7-47: Tir au fusil pour les Européens, dans la matinée. Dans l'après-midi: exercice d'infanterie avec traversée de RACHS,  près du poste. Utilisation de cordes. Dans la soirée, les VM se sont mis à faire beaucoup de bruit: tam-tam. En avons profité, pour faire un exercice d'alerte; tout va bien.

 4-7-47: A part de nombreux tracts, la liaison du matin n'a rien trouvé, sur notre route. Journée calme. Independence day ! Personne ici, n'y a pensé ! Ce soir, partie d'échecs avec le Cne DURAND. Un tour de force: notre radiateur a été remplacé par un autre, réparé par des Chinois de GOCONG.

 La situation des véhicules reste toujours très grave, et le Haut - Commandement n'arrive pas à y remédier. Les VM, ayant pris l'habitude (détestable pour nous) de détériorer dans la nuit (avec des habitants réquisitionnés, qui préfèreraient dormir !), nos voies terrestres de communication, dans la journée, nous avons une tâche supplémentaire: reboucher" les touches de piano", qui ont pour effet, de retarder la progression des véhicules, dont la trajectoire devient une belle sinusoïde !

 A RACH LA, nous avons un LCM à notre disposition. Bien armé, il participe à la défense du poste et, de plus, à l'occasion, il assure le transport fluvial d'une section de trois groupes de combat, ou alors, le transport de fret. Parfois il est renforcé par des" pointus", petits bateaux, légèrement blindés, fabriqués à SAIGON, et pouvant transporter, chacun, un groupe de combat.

 Nos liaisons auto, sont DONG SON -GOCONG et DONG SON - MY THO- SAIGON . Depuis DONG SON une route, plein Sud, rejoint la  route Ouest -Est MY THO  -  GOCONG.

 Bien entendu, ces liaisons sont précédées, d'une ouverture de route, à pied, chargée de faire sauter les embuscades éventuelles, et de neutraliser les mines (Détectées par la" poêle à frire", qui émet un son caractéristique à proximité du métal). Les mines sont de toutes sortes: locales, antipersonnelles, contre le matériel, parfois à crémaillère, laissant, sournoisement, passer un certain nombre de véhicules, pour ne se manifester qu'au " nième ", pour lequel, elles ont été programmées.

 En patrouille, sur les diguettes, le travail principal de l'éclaireur de pointe, consiste à détecter les pièges divers, les fils, commandant les grenades piégées antipersonnelles, ou alors d'autres pièges de fabrication locale, artisanale, tels que des tiges métalliques crantées, pénétrant facilement dans le pied de l'imprudent, mais difficiles à extirper, et surtout très douloureuses.

 D'où l'apparition dans le matériel du toubib, de la scie à métaux: on n'arrête pas le progrès !

 Les deux voltigeurs suivants s'intéressent, (l'un, vers la droite, l'autre, vers la gauche), à la détection des fils piégés, et à la présence indésirable de snipers (tireurs isolés) bien camouflés, ne se dévoilant qu'au dernier moment, et qu'il convient d'abattre, au plus vite.

 Si, de jour, nous pouvons circuler à peu près normalement, de nuit, par contre, il nous est impossible de paralyser, totalement, la circulation des VM. Nous pouvons, tout au plus, compliquer leur travail, en montant des embuscades à faible effectif, déconcertantes pour l'adversaire, car, faisant un tel bruit (dans le noir), que le nombre de participants, est plutôt difficile à imaginer, et TOUJOURS, présumé nettement supérieur à la réalité. De nuit, toutes les audaces sont permises.

 A ceux qui seraient tentés de se poser des questions, qui leur paraissent logiques, dans le genre:" Mais où est le front ?", nous pouvons répondre tout de suite: Il n'y en a pas. Il n'y a que des points d'appui, matérialisés par les postes. Le reste n'est qu'un" no man's land", avec ses rencontres désagréables inévitables.

 D'où la révolution dans l'artillerie de campagne. Nous avons appris à l'école : Le front de batterie, et toutes les précautions, jugées indispensables.

 Et voilà que, maintenant, il va falloir réfléchir, se poser des questions et penser: au" TIR TOUS AZIMUTHS.

 La priorité restant: TIRER VITE ET BIEN. Le fantassin, qui a un besoin urgent de coups de canon, soit pour sortir d'un mauvais pas, soit, tout simplement, parfois, pour se rassurer, tout en inquiétant l'adversaire, surpris, ne connaît pas les règles de l'Artillerie,

 L'instruction générale sur le Tir, ne l'intéresse pas. Il a d'autres problèmes, beaucoup plus urgents, et des vies humaines, surtout, à sauver. Des coups de canon et vite, deviennent  sa hantise. Comme on le comprend !

Les vieux artilleurs, ayant la fâcheuse manie (Pas tous, et j'en connais) de se raccrocher au passé, (Le règlement, c'est le règlement ! SCROGNEUGNEU !), les jeunes lieutenants et capitaines, en contact personnel, avec les Officiers d'Infanterie, dont ils partagent la vie, qu'ils côtoient donc, en D. L. O. (Détachement de liaison et d'observation), et vivant, au plus près, l'opération en cours, vont réagir les premiers, s'adapter, et satisfaire tout le monde, sauf le règlement QUI DEVRA, BON GRE, MAL GRE, S' ADAPTER, A SON TOUR, UN JOUR !

 Au plus près de l'ennemi, l'observateur d'Artillerie peut désormais, grâce à son poste de radio puissant, communiquer avec sa section, sa batterie, son groupe, son groupement même, parfois. Il peut leur donner la position des troupes amies, permettant aux batteries et même aux Etat -majors, grâce à des punaises de couleurs, d'avoir une vue d'ensemble de la situation, et surtout précise.

 Le DLO peut demander la préparation de tirs, sur des points bien précis, les baptiser, faire pointer les pièces, sur l'un de ces objectifs préparés, d'en demander le déclenchement, dans le cas le plus favorable, où, son flair ne l'ayant pas trahi, que c'est justement celui- là, que le fantassin demande !

Imaginez maintenant, l'étonnement, et le plaisir de ce même fantassin, lorsqu'on peut lui répondre par" Coups partis", qu'il ne reste plus, qu'à observer l'arrivée des premiers coups, faire faire les corrections éventuelles, avant l'" Efficacité". Si le tir demandé est différent, de celui, sur lequel, les pièces sont pointées, moins d'une minute suffira, pour en obtenir, le déclenchement.

 Et la batterie dans tout cela ? N'ayant pas le TEMPS, de changer de position, à chaque tir demandé (On n'a jamais 1/4 d'heure à perdre, même pour faire plaisir au règlement) pour prendre un front de batterie réglementaire (C'est à dire, le plus possible, face à l'ennemi), la batterie choisit un front de batterie réglementaire, à son arrivée sur la position, supputant la position probable de l'ennemi.

 Ensuite TOUT DEPEND DE  L' ENNEMI, qui évolue entre les points d'appui. Il ne sera donc pas rare, de voir les pièces tirer les unes par dessus les autres, au grand dam du règlement. A droite puis, pour un tir suivant, à 3200 millièmes à gauche. Les pelotons de pièce, habitués, ne s'inquiètent de rien, seulement occupés à tirer vite et bien.

 Au TONKIN, en 1953, j'ai ainsi scandalisé un Colonel d'Artillerie, fraîchement débarqué en INDOCHINE, et pour la 1ere fois, que mon Colonel PRIGENT, m'avait envoyé à l'improviste (Peut être une farce !) Je n'ai pas été félicité tout de suite, oh mais pas du tout !  mon front de batterie étant, les tubes les uns par dessus les autres, à droite. Impassible, j'ai laissé le Colonel me dire, tout ce qu'il avait sur le coeur, sur le non respect des règles les plus élémentaires.

 Tout à coup: demande de tir immédiat.

 J'ai prié le Colonel de m'excuser et, QUARANTE SECONDES PLUS TARD (Les tubes n'avaient pas attendu ce temps là, pour prendre la nouvelle direction approximative, et préparer la charge, que je leur avais indiquées, avant de marquer les derniers éléments) mon radio annonçait" Coups partis".

 Le front de batterie, cette fois, était un quart arrière à droite. Tirer, quarante secondes après l'arrivée des coordonnées, ou de l'indication du tir baptisé, était le délai habituel, pour une batterie rodée, super entraînée, tirant jour et nuit, et toujours, avec un égal plaisir.

 A la radio:" Tir en place, efficacité".

" Par 4: feu".

 A la radio" Halte au feu",

 Sur un ton satisfait !

 Je revois encore la tête du Colonel. C'était tout simplement: inénarrable. Assister à un tir réel, à une vitesse qu'il n'aurait jamais imaginée, (Etant plus habitué aux écoles à feu, sur les champs de tir), par une batterie vietnamienne (Un Européen pour dix Vietnamiens) qui lui avait fait si mauvaise impression, ne respectant même pas les règles de l'Artillerie.

 J'ai pu, ensuite, lui expliquer, calmement, les différences, entre la théorie et la réalité. Comme Lieutenant, expérimenté, ayant des milliers de coups de canon à mon actif, j'avais suivi, l'année précédente, le cours de tir des Capitaines à MAILLY. Entre MAILLY et l'INDOCHINE: quelle évolution ! Je pense qu'il a dû rapidement se mettre au diapason ou, alors, c'est à désespérer de tout !

 L'IGT de l946 (Instruction générale sur le Tir) dit, qu'il ressort de la dernière guerre, que, seuls, les procédés simples, ont résisté, à l'épreuve du combat. Comme c'est bien vrai.

 Mon expérience personnelle m'a fait abandonner, totalement, la préparation théorique complète calculée. (Beaucoup trop longue, et l'ennemi n'attend pas, or, c'est lui qui commande). Il faut s'adapter. Bon sens et sens pratique, nous disait le Cdt BOYER DE CONCHARD, en ANGLETERRE, en 1941. Il avait raison.

 Je n'utilise que la préparation graphique, complétée à la rigueur, par l'utilisation des abaques, si le temps le permet !

 J'attache la plus grande importance, à l'élaboration de la planchette de batterie, à la précision du quadrillage au 1/25. 000. Pour avoir des droites bien perpendiculaires, j'utilise le triangle rectangle 3, 4, 5. (3x3 plus 4x4 égale 5x5). C'est simple, facile à retenir et c'est efficace. Les PERSES le connaissaient déjà !

 Avec une bonne planchette, la différence entre le calculé le plus élaboré, et le graphique, ne dépasse pas 2O mètres en portée, 3 millièmes en direction. Les éclats d'un obus de 105, sont dangereux à 550 mètres. Le résultat du tir est donc équivalent.

 Le Général LECLERC me l'a dit, personnellement, à FORT LAMY: Rien ne vaut la vitesse d'exécution. J'ai retenu la leçon.

 Cette planchette de batterie est rapidement utilisable, à chaque changement d'emplacement de batterie, si on a placé une fois pour toutes,  la pièce directrice au centre de la planchette, et au coin de carreau, en bas à gauche, origine des distances et des gisements.

 Au delà de la portée maximum de la pièce, au Nord de la pièce, placer le gisement 0. l600 à l'Est, 3200 au Sud, et 4800 à l'Ouest. Sur un grand cercle, ayant la pièce pour centre, graduer, jusqu'à 5 millièmes. Il est facile d'interpoler, dans un angle de 5 millièmes.

 Prendre ensuite un carré de carton, de 4 cms de côté, correspondant à 1 Km, au 1/25. 000. Le graduer en partant du coin, en haut à droite, de 0 à 10 vers la gauche, et de 0 à 10 vers le bas.

 Reporter les coordonnées réelles de la pièce sur le carton, en utilisant les graduations hectométriques. Nous obtenons un point sur ce carton, qu'il va falloir percer, suffisamment, pour laisser le passage d'une mine de crayon. Le décalage, de la pièce sur la carte et le coin de carreau en bas à gauche sur la planchette,  est,  ainsi, matérialisé.

 Un objectif étant désigné par ses coordonnées, utiliser les graduations du petit carré, puis placer la mine du crayon dans le trou. Nous obtenons sur la planchette, l'objectif, décalé de la même valeur que la pièce. Faire passer une règle graduée, par la pièce et l'objectif. Nous lisons le gisement. Le 0 de la règle graduée, étant sur la pièce, nous lisons la distance.

 On comprend tout de suite, que le dégrossissage du pointage en direction des pièces, n'a pas besoin d'attendre les éléments définitifs, d'où la vitesse finale d'exécution.

 L'obtention des éléments, sera encore plus rapide, si une règle pivotante est fixée à demeure, sur la planchette, avec le 0, au centre le la planchette.

 C'est surtout à DONG SON, que j'ai perfectionné ma planchette de batterie, elle ne m'a jamais trahi.

 MAIS REVENONS AU:

 5-7-47: Le Cne DURAND, parti pour GOCONG dans la soirée, n'est rentré qu'à 21 h. Je commençais à m'inquiéter un peu. Visite de Mr NGHIA. Il nous apporte toujours des renseignements qui peuvent, peut-être un jour, se révéler exacts. Partie d'échecs avec le Cne DURAND, qui m'a encore battu. J'ai encore beaucoup de progrès à faire.

 6-7-47: Matinée calme et de tout repos. Dans l'après-midi, j'ai fait tirer les Européens au fusil. Personnellement, je fais également des progrès, dans ce genre de sport. Ici, pour l'instant, je suis tout de même plus tranquille qu'à GODEN. Ici, on ne sort pratiquement pas la nuit.

 7-7-47: Dans la matinée, tir au fusil pour les Indigènes. Un coup dur à la 1ere batterie: 5 Européens et, au moins, 13 Indigènes de tués. Notre liaison de GOCONG n'a pu, de ce fait, rentrer qu'à 19 h 30. De plus, ici, nous étions en alerte. Ce soir, un renseignement de BLANC, nous signale l'emplacement actuel d'une bande rebelle, arrivée à 11 h, ce matin. Avons donc expédié 30 coups de 25 pounders, sur ce ravissant cantonnement. Aujourd'hui, 16 mois de séjour.

 8-7-47: Ce matin, de bonne heure, les cinq corps ont été transportés à RACH LA, en camion, puis, de là, à MY THO, en LCM. Dans l'après-midi, tir au fusil pour les Européens. Dans la soirée, vu le Cne SOURMAIL, et le Lt CLOSSET.

9-7-47: Au cours de la matinée, je suis allé faire un tour dans le village, avec un groupe de combat. L' Aspirant GEISER est arrivé à DONG SON, venant de GOCONG. Dans l'après-midi, tir au fusil, pour les Indigènes. Dans la soirée, patrouille dans le village, histoire de vérifier un renseignement. Tout s'est très bien passé. L' Instituteur SUM a été enlevé.

 10-7-47: Dans la matinée, je suis allé en liaison, à GOCONG. Vu le Cdt JOHNSON, le Cne BOISSIN (Sous un autre nom au 40eme RANA), (La dernière fois que je l'ai vu, c'était à STRASBOURG (NEUDORF), le 24-11-44.), le Lt BOULEY. Rentré vers 11 h. Peu après, le Cne DURAND est rentré de MY THO, où il était allé, régler une histoire de déserteurs.

 Dans l'après-midi, tir au fusil pour les Européens. Ce soir, un renseignement de BLANC a provoqué un tir de 50 coups de 25 Pounders, à partir de notre poste.

 11-7-47: Journée passée au poste. Dans l'après-midi, la Cie PAULY a été sévèrement accrochée, du côté de CHO GAO. Dix tués et 2 blessés. La série noire continue. Dans la soirée, un message radio nous a appris, que j' ETAIS NOMME LIEUTENANT. Arrosage discret (On ne boit presque pas ici, et, au fond, ce n'est pas plus mal). Ce soir, on est légèrement en alerte, la Compagnie MORVAN (Avec ses Tunisiens) opérant de nuit.

 12-7-47: Dans l'accrochage d'hier, le Capitaine PAULY a retrouvé 15 cadavres sur le terrain, et récupéré quelques armes. Suis resté au poste toute la journée. Je m'occupe, en ce moment, à dresser un cahier de tir au 25 pounders, et à monter une planchette de batterie, comme à GODEN. La liaison pour MY THO a eu lieu, dans l'après-midi. Partie d'échecs avec GEISER.

 13-7-47: Grasse matinée, jusque 9 h. Puis, au cours de la journée, à mes moments de loisirs, ai continué ma planchette de batterie. Dans la matinée, tir de 30 coups, sur la route GOCONG -MY LOI. Ce soir, on prépare la cérémonie de demain.

 14-7-47: Ce matin, tir de 21 coups de 25 pounders, dans la région de BINH PHUC NHUT. Appel des morts. Salut aux couleurs. Remise de décorations. Puis je suis allé à GOCONG. Rentré vers midi. Apéritif avec les hommes. Dans l'après-midi, différents concours chez les Européens. Et aussi, chez les Annamites. Dans la soirée, visite à Mr NGHIA. Puis partie d'échecs, avec GEISER.

 15-7-47: Ce matin, tir au fusil, rapidement interrompu par la pluie. En fin de matinée, avons brûlé de la poudre de 25 pounders excédentaire. Beau feu d'artifices. Comme occupation principale: planchette de batterie. Soirée calme dans notre coin.

 VINH LOI, par contre, a envoyé quelques obus dans la nature.

 16-7-47: Matinée: Tir au fusil: Européens. Le Cne DURAND est allé à BINH PHUC NHUT. Rentré à la tombée de la nuit. Ce soir, j'ai préparé un tir avec ma nouvelle planchette de batterie, qui s'avère assez précise en ce qui concerne les angles. Le convoi de GOCONG, craignant une embuscade à 6 Kms d'ici, est rentré au pas, tandis que les canons de VINH LOI et d'ici, se tenaient prêts à intervenir.

 17-7-47: Dans la matinée, tir au fusil pour les Européens. Puis graphique de tir (Suite et fin). GEISER étant sorti ce matin, cet après-midi, c'était mon tour. Tandis que le Cne DURAND était à GOCONG, j'étais dans les environs de VINH THANH. (Réparation de la route, sabotée, une fois de plus, la nuit dernière). Fait trois prisonniers. (Des gens très bien, en règle, mais tout de même, un peu suspects).

 Ramené un petit cochon, probablement abandonné par sa mère. On le nourrira peut-être mieux !

 18-7-47: Ce matin, le Cne DURAND est allé à VINH LOI. Un coup de canon de réglage, à une certaine distance du poste. Dans l'après-midi, le Lt LOOT (Cdt la Cie de Légion, qui a remplacé la Cie MORVAN (3eme RTT) est venu ici. Prêt à intervenir, en cas d'attaque du convoi fluvial empruntant le canal de CHO GAO. Ce soir, visite de Mr NGHIA, qui a apporté une bouteille de Champagne (Les Annamites, offrent à boire aux nouveaux  promus).

 Le petit cochon s'est évadé !

 19-7-47: Dans la matinée, patrouille à pied, à 7 Kms environ, du carrefour de DONG SON, jusqu'aux coupures (Récent travail VM). Ensuite en voiture. VINH LOI (Que je ne connaissais pas encore) et GOCONG. Rentrés à 13 h. A 14 h 30, reparti en voiture, jusqu'aux coupures, que nous avons comblées. Dans l'après-midi, GEISER, qui est rentré de MY THO, m'a rapporté une pipe, en remplacement de ma dernière (perdue hier). C'était pourtant une bien belle pipe ! Enrubannée de chatterton !

 20-7-47: Dimanche. Bonne grasse matinée, jusque 9 h. Petites occupations de tout repos, au cours de la journée. Lu: La Reine et le favori. Ce soir, aux échecs, j'ai failli gagner. Il est vrai que GEISER partait, volontairement, avec la reine en moins ! D'après le communiqué, TAN BUU est fréquemment attaqué. BONNAVAL doit bouillir, s'il a l'occasion de le lire.

 21-7-47: Debout à 6 h. Dans la matinée, suis allé à VINH LOI, puis, toujours avec 3 groupes de combat, un peu plus loin que l'ancien poste de BINH PHUC NHI. Pas mal de fuyards. Rentrés à 10 h, en repassant par le poste de VINH LOI. Dans l'après-midi, avec trois groupes de combat, nous sommes allés démonter l'école de VINH THANH.

 Pendant ce temps, GEISER, au poste, se tenait prêt à nous dégager au canon, en cas d'accrochage. Ce soir, un renseignement nous est parvenu de GOCONG, nous prévenant, que les rebelles s'apprêtaient pour demain, ou après-demain, à nous tendre une embuscade, entre ici et la route coloniale.

 22-7-47: Tir préventif de harcèlement, au cours de la nuit, sur les lieux possibles d'embuscades. Des ordres de GOCONG sont attendus, en ce qui concerne notre prochaine liaison, avec le PC du groupe. Debout à 8 h. Patrouille dans le village de DONG SON et ses environs, dans la matinée.

 Grosse activité dans la rizière (assez suspecte). A 15 h 30, une escorte, avec l'autocanon de 40 de GOCONG, est arrivée, pour accompagner notre liaison. Contrairement aux prévisions, tout s'est bien passé. (Pas le moindre petit VM., armé sur la route).

 Ai reçu, ce soir, mon papier, certifiant mon grade de Lieutenant d'Artillerie Coloniale. A peine un mois, pour transmettre cette paperasse, en provenance de PARIS, ce n'est pas si mal. Cette nomination est pour compter du 25 Juin 47.

 23-7-47: De 7 h à 10 h 30, patrouille au Sud d'ici, dans la région d'AB BINH NHUT, AP BINH TAM, AN HOA TRUNG. Pendant ce temps, le Cne DURAND est allé à MY LOI, tandis que GEISER, resté au poste, se tient prêt à m'appuyer, ou à me dégager au 25 pounders, en cas d'accrochage. Un de nos camions, s'est joint au convoi de MY THO.

 24-7-47: Journée calme. Le Cne DURAND est allé à GOCONG. GEISER et moi sommes restés au poste. Un peu d'arithmétique dans la matinée. Dans l'après-midi, je me suis amusé à faire la courbe des hausses minima pour la pièce, dans le blockhaus.

 25-7-47: Ce matin, je suis allé à VINH LOI (Liaison et marché). Rentré vers 8 h 30. Quelques paperasses ensuite. Perfectionnement du graphique de tir. Dans l'après-midi: patrouille, du côté de BINH PHU DONG (A l'Est du poste). Un peu de palmiers d'eau. Mine ahurie de la population, qui s'est enfuie à notre approche. Ce soir, partie d'échecs, avec GEISER.

 26-7-47: Suis resté au poste toute la journée, avec GEISER. Le Cne DURAND, parti à GOCONG à 7 h, est revenu, peu avant midi. Cette après-midi, revue d'armes. Ce soir, la liaison de MY THO est rentrée. Dans la soirée, comme d'habitude, réception des ordres pour demain, puis partie d'échecs. (Ce soir, j'ai failli gagner !).

 27-7-47: Ce matin, à 7 h 15, ai quitté RACH LA, sur le LCM 16, à destination de MY LOI, où je suis arrivé à 8 h. Vu BATTINI. Encore trois partisans suspects, devant bientôt déserter !

 On essaye, en ce moment, de réinstaller le bac de MY LOI, ce qui raccourcirait de moitié, soit 60 Kms, la liaison GOCONG -SAIGON. Et puis, cela faciliterait nos liaisons avec le Cne HERBELIN, dont le Sous-quartier est juste de l'autre côté du VAICO. Rentré à 11 h, au poste de DONG SON. Après-midi tranquille. Encore battu aux échecs, ce soir.

 28-7-47: Ce matin, le Cne DURAND est parti pour SAIGON, tandis que GEISER allait à GOCONG. Dans l'après-midi, suis allé à BINH PHUC NHUT, avec le LCM qui allait à MY THO, accompagné de nos deux pointus (PROVENCE et NORMANDIE). Rentré vers 18 h 30. Ce soir, pris le café chez Mr NGHIA, puis, jusque 0 h 30, amusantes discussions chez les Sous-officiers.

 29-7-47: Dans la matinée, GEISER est allé à GOCONG, avec la liaison. Pendant ce temps, j'étais au poste. Mon stylo atomique (à bille) est changé. Celui-ci semble vouloir mieux marcher que le précédent. (Pour combien de temps ?) Tout le matériel, apporté par le LCM, n'a pu être déchargé ce soir, à cause de la marée. (Niveau extrêmement bas, en ce moment).

 3O-7-47: Dans la matinée, et au début de l'après-midi, on s'est occupé du déchargement du LCM (Munitions en particulier). Vu BECQUEREAU (Adjudant maintenant). Des nouvelles de l'Aspirant COLAS. Malade, il est actuellement au KEP, mais doit rentrer bientôt. C'est son peloton qui remplace, ici, les autocanons de 40, depuis hier.

 Dans l'après-midi, tir au fusil pour les Indigènes. Dans la soirée, échecs avec GEISER. Match nul pour la 1ere fois.

 31-7-47: Journée consacrée principalement à l'instruction. Dans la matinée: 25 pounders pour les rares Européens et Indigènes disponibles. Dans l'après-midi, tir au fusil pour les Européens. En fin d'après-midi, un orage a éclaté (Très intéressant en ce qui concerne notre citerne particulière, alimentant notre salle de bains, et que nous vidons allègrement, à trois, en 48 heures !) 23 h: Au lit.

1-8-47: Journée très calme. Dans la matinée, le Cne DURAND est allé à MY LOI, tandis que, GEISER et moi, restions ici. Je lis" Le comte de Monte Cristo". Je n'ai pas eu l'occasion de lire suffisamment, dans ma vie. On va tâcher d'y remédier. Il n'en aurait pas été ainsi, si j'avais toujours été dans un coin aussi tranquille que DONG SON.

 Je finis par croire, que le seul danger sérieux ici, est l'embuscade, que les VM du coin, savent très bien monter. Dans les journaux, en ce moment, on parle de négociations possibles, qui amèneraient la fin des hostilités.

 Si on était sûr, qu'elles ne reprennent pas, une fois les VM, de nouveau bien préparés, d'accord. Sinon, il est plutôt dangereux d'entrevoir une pareille trêve. Le souvenir du catastrophique MODUS VIVENDI n'est pas encore effacé.

 2-8-47: Réveil matinal. Pourtant, je suis resté toute la journée au poste, à m'occuper particulièrement des véhicules. Nous avons maintenant quatre véhicules disponibles (dont un, pour l'école de conduite). Ce soir, comme chaque soir: échecs. Suis en progrès.

 3-8-47: Vu l'Adjudant -Chef CHEVIET, ce matin. Officier des détails du groupe, anciennement à la batterie" A" du magnifique 261eme FTA. Dimanche calme, passé dans la lecture.

 4-8-47: A 7 h ce matin, j'ai participé à une opération, dans la région de BINH PHU DONG. Les éléments de la 6eme Cie, de la Légion, y étaient également. Vu BECQUEREAU, en rentrant, vers 13 h. Dans l'après-midi: interrogatoire de prisonniers. Fait la connaissance de Mr BICH (Caodaïste). Vu PIRIOU également. Son peloton semble avoir gardé un bon souvenir du Sous-quartier de GODEN. (Et moi donc !)  Au lit de bonne heure.

 5-8-47: Je ne me suis réveillé, qu'à 9 h. Furieux d'être si tard. Matinée tranquille. Dans l'après-midi, un coup de canon de réglage, à 400 mètres du poste de BINH PHUC NHUT, où GEISER était allé. Dans la soirée, interrogatoire de trois prisonniers, que j'ai relâchés. A 21 h,  BINH PHUC NHUT a tiré quelques balles traçantes, à titre observation. Parties d'échecs, comme d'habitude.

 6-8-47: Ce matin, tir au fusil, pour commencer. Personnellement, j'ai fait mon meilleur tir, depuis que je suis ici, et peut-être depuis toujours. J'ai l'impression, qu'à partir de maintenant, je vais avoir beaucoup de paperasses. De nouvelles notes du Cdt, en réclament, sur pratiquement tout ce qui a trait à la vie du poste.

 Dans l'après-midi, interrogatoire de quatre prisonniers arrivés, hier soir, de BINH PHUC NHUT. (Fiches de renseignements les concernant). En somme, je reprends ma machine à écrire ! Ce soir, pour la première fois, j'ai gagné aux échecs, contre GEISER. Il est vrai que la revanche ne m'a pas été favorable !

 7-8-47: Ce matin, le Cne DURAND et GEISER sont allés à GOCONG, avec la liaison. GEISER va nous quitter, affecté au 2eme groupe, à CAY LAI. Nous ne serons donc plus que deux Officiers à la batterie.

 Dans l'après-midi, interrogatoire de prisonniers. Au canon, instruction sur le pointage. Pendant ce temps, je suis dans les paperasses. Ce soir exercice d'alerte. Perte de deux parties d'échecs, puis préparation de la patrouille de demain matin.

 8-8-47: A 6 h, départ. Un groupe de combat en embuscade, dans le village de DONG SON. Avec l'autre, je suis allé jusqu'à RACH LA. Passé par AP DONG BINH en rentrant. Dans l'après-midi, entretien des véhicules. Ce soir, incendie à RACH LA. Y sommes arrivés, une demi-heure après le début. La moitié du village y a passé. Les AM de GOCONG et des éléments de la Légion sont venus. Vu COLAS. CONSTANTIN est parti à l'Hôpital: il s'est blessé au pied (Au moins un orteil de perdu !).

 9-8-47: De 4 h à 6 h, tir de harcèlement, sur la route coloniale. Les premiers coups m'ont réveillé, mais je me suis bien vite rendormi. GEISER est parti ce matin. Il a pris la liaison de MY THO. Après-midi tranquille. La liaison de MY THO est rentrée, à 20 h 10. Ce matin, un accrochage a eu lieu, entre MY THO et CHO GAO. (2 Européens et 2 indigènes tués). Pertes rebelles sensibles. (Probablement un mortier).

 Ce soir, on s'attendait à un nouveau grabuge sur RACH LA, mais il ne s'est rien produit. Dans le quartier de CAN GIOC, par contre, le canon a tonné et des rafales d'armes automatiques ont été entendues d'ici.

 10-8-47: Dimanche. Nuit très calme pour nous. Un peu de paperasses dans la matinée (CR bimensuel au SR). Lecture de" SURCOUF". Comme tout a changé depuis ces temps héroïques, où l'on pratiquait l'abordage ! (Il y a eu des corsaires, parmi mes ancêtres : on se rappelle d'un MARZIN, à la Cathédrale de St POL de LEON !). Dans l'après-midi, visite journalière à" KIKI (Notre petite guenon, qui est réellement amusante). Je lis" Le pain des pauvres". Partie d'échecs avec le Cne DURAND. Préparation des ordres pour demain.

 11-8-47: Nuit excellente, fraîche à souhait. A 7 h 30, avec un groupe de combat, je suis allé à pied, à RACH LA. (Mission principale: pose de tracts. Rentré, en passant par le village de DONG SON. Dans l'après-midi, je suis allé faire une patrouille" Canards", avec deux groupes de combat, au Sud de la route de BINH PHU DONG.

 12-8-47: Journée calme dans l'ensemble. Ce matin, je suis allé voir Mr NGHIA, qui m'a donné des renseignements, comme d'habitude. Ce matin, j'ai essayé d'en exploiter un, en envoyant deux réguliers, en civil, armés de deux revolvers et de deux grenades, à la recherche du Chef du Comité de sabotage de DONG SON.

 Pendant ce temps, mes deux groupes de combat se tenaient prêts à intervenir. Malheureusement, on n'a rien trouvé. Le Cne OULLIAC est venu ce matin, de MY THO, avec le LCM 16, qui nous est rendu, après réparations. Le Lt BOULEY est venu le chercher ici, vers 12 h 30.

 Ce soir, on s'attend à quelque chose. D'après des renseignements, des incendies doivent se déclarer à RACH LA, DONG SON et VINH LOI, et même GOCONG. De 22 h à 22 h 30, nous avons tiré 8 coups de 25 pounders, sur la route coloniale, en prévision du convoi de MY THO de demain.

 13-8-47: De 4 h à 6 h, tir de 24 coups de canon, sur la route coloniale. (Je me rappelle en avoir entendu 3 !)  Visite à Mr NGHIA, dans la matinée et au courant de l'après-midi. Ce soir, il est venu discuter avec nous.

 La population des villages de RACH LA et de DONGSON s'est réfugiée loin de nos deux postes. On s'attend de nouveau à quelque chose, demain soir. Suis resté au poste, toute la journée. Visite des différents travaux, un peu d'artillerie de campagne. (Il faut se maintenir au courant).

 14-8-47: Dans la matinée, suis resté au poste. Dans l'après-midi, préparation de grenades piégées. (A retardement). De 17 h 30 à 19 h 30, patrouille dans le village de DONG SON. Ai tiré sur un fuyard, qui a réussi à se camoufler dans les palmiers d'eau. Puis pose des grenades. Les explosions ont duré jusque 23 h environ. La soirée est pluvieuse et calme, peu propice à la réalisation des projets VM d'incendies.

 15-8-47: Suis resté au poste, toute la journée, jusque 18 h 30. Puis je suis parti, en patrouille, avec trois groupes, dans DONG SON, jusqu'à 19 h 30. A 21 h 30, suis de nouveau sorti, pour lancer une grenade, afin d'entretenir chez les VM, la crainte des pièges qui, la nuit dernière, se sont révélés efficaces. D'après Mr NGHIA, le fuyard, sur qui j'ai tiré hier, a été blessé au bras.

 16-8-47: Ce matin, vers 6 h 50, nos deux groupes de combat, se rendant au carrefour de la route coloniale, sont tombés dans une embuscade, à 2 Kms 500 d'ici. Comme Européens: Le MDL-Chef MARTIN, le MDL DEGRAVE, le Bier-Chef CENDRE, le chauffeur CIRRI, et le Cst MARTIN sont  tués. Quatre réguliers sont tués également (BLESSES PUIS ACHEVES). Les rescapés: le chauffeur RIVIERE, le Martiniquais PIVERT et six réguliers sont indemnes.

 Avons perdu deux F. M. (dont un, pris par les VM,  et l'autre, caché dans la rizière, et non retrouvé) et trois armes individuelles. Tous les corps ont été retrouvés, mis en bière au poste, et transportés, par LCM, jusqu'à CHO GAO, et, en convoi, jusque MY THO, où ils ont été enterrés.

 Notre tir d'artillerie a dû causer des pertes aux rebelles, car des pansements ont été trouvés sur les lieux de l'embuscade. D'autre part, au poste, fixé par plusieurs fusils, PESIN a descendu un VM, qui grimpait dans un arbre. Le corps de ce dernier a été aperçu. L'Adjt BECQUEREAU est venu escorter le Cdt JOHNSON, jusque RACH LA, vers 15 h, ce dernier devant prendre le LCM. Travaux divers, dans l'après-midi.

 Le Cne DURAND, avec un groupe de combat, ainsi que le Cdt JOHNSON, assistant aux obsèques, ne rentreront que demain.

 17-8-47: Dimanche. Au courant de la matinée, LEVEQUE est venu chercher l'essence et les munitions, apportées par le LCM, avant - hier. Le Cdt JOHNSON et le Cne DURAND sont rentrés, de MY THO, vers midi, par le LCM.

 Dans l'après-midi, transport de l'essence de RACH LA, ici. Puis, je suis allé en patrouille, avec deux groupes de combat forts, protégé par le canon, en cas d'alerte, On devient de plus en plus prudent. Demain, opération, du côté de BINH XUAN. Pas de chance, c'est le Cne DURAND qui y va.

 Je m'occuperai donc de l'Artillerie. (Notre 25 pounders, plus une pièce de la 1ere Batterie). Une lettre importante, à n'ouvrir que sur ordre ultérieur, nous est parvenue du 3eme Bureau TFEO. Encore du changement dans l'air, probablement.

 18-8-47: Debout à 6 h 30. A 7 h, arrivée des éléments de la compagnie annamite PAULY, et d'un canon de la 1ere batterie. Vers 9 h 30, début de l'opération, de notre côté. Journée passée, pour moi, auprès du poste radio. L'aumônier de MY THO était ici.

 Dans la soirée, tir d'accrochage de 12 coups, pour la protection de la Compagnie Annamite (PAULY), qui doit rester sur le terrain, la nuit prochaine, à BINH XUAN. Nos éléments sont rentrés, vers 20 h.

 Comme renseignements: Le chef, qui dirigeait l'embuscade d'avant hier, aurait été tué. Sept VM auraient été blessés. L'aumônier est parti pour la 1ere batterie. Nous avons eu le loisir de discuter. Avons parlé en particulier des Ftéistes (venant des FTA) arrivés au 4eme RAC.

 Ce matin, BOULEY est venu, avec son Albion, pour ramener ici, les deux camions incendiés. Le pointu" PROVENCE" a coulé à minuit. Vu MORIN.

 19-8-47: Le Cne DURAND est allé à MY LOI, dans la matinée, avec le LCM. Rentré vers midi. L'opération, commencée hier, s'est poursuivie aujourd'hui, dans la région de BINH THANH. Pendant ce temps, j'étais au poste, prêt à intervenir au canon. Visite à Mr NGHIA. Montage du détecteur de mines. Il marche.

 On aura à l'utiliser, pour la recherche du FM de PIVERT, qui doit être dans la rizière. Un renseignement de ce matin, nous apprend que, lors de la fixation du poste, par les VM, le 16, quatre de ces derniers ont été tués par un obus de notre lance-grenades japonais.

 Dans l'après-midi, un VM a essayé de récupérer une grenade piégée, l'autre jour. Pas de chance pour lui. Le percuteur qui devait être coincé, s'est réveillé. Moralité: les pièges sont souvent mortels.

 Pendant ce temps, tout notre personnel était occupé, à débroussailler la partie Nord du poste, paillotes, hautes herbes, palmiers d'eau, arbres, sur une profondeur de 150 mètres. C'est une véritable éclaircie. Et ce n'est pas fini. Précaution supplémentaire pour la garde: un tour de ronde Officiers vient d'être mis sur pied.

 20-8-47: Vu le S/Lt MORIN, qui accompagnait l'AM, venue prendre notre liaison pour MY THO. Ensuite, avec deux groupes de combat, je suis allé sur les lieux de l'embuscade du l6. On essaye de vider la rizière, pour retrouver le FM de PIVERT. Avons employé le détecteur de mines, mais il faudrait avoir la chance de tomber dessus.

 Dans l'après-midi, une petite pluie, toute bretonne, s'est mise à tomber. Nos deux groupes sont allés réparer la ligne téléphonique de RACH LA. Ai fait l'acquisition d'un coupon de tissu noir. J'ai envie de me déguiser en VM ! Dans la soirée, je suis brusquement parti pour RACH LA. Pris le pointu" NORMANDIE", quelques hommes, et, en route pour MY LOI où nous sommes arrivés, vers 21 h. Causette avec BATTINI.

 21-8-47: Dormi au poste de MY LOI. Au début de la nuit, dévoré par les moustiques. (BATTINI prétendait qu'il n'y en avait presque plus) ! J'ai dû m'emparer de cette précieuse chose, qu'est la moustiquaire, et dont on n'apprécie l'utilité, que lorsqu'elle fait défaut, ayant cru pouvoir se passer d'elle. Parti de bonne heure, jusqu'au SOIRAP. Nous devions empêcher tout passage de barque, entre la Province de GOCONG et la Province de CHOLON. (Au Nord) (Une opération avait lieu, dans la région de TAN PHUOC).

 Rentrés à DONG SON, vers 17 h 30. Appris que, ce matin, un régulier avait déserté, avec son arme et, le bloc de percussion du 25 Pounders ! Son complice était le prisonnier, amené récemment de MY LOI. Tir de 16 coups de canon, sur BINH PHUC NHUT. (Marché, où une bande VM était signalée).

 22-8-47: Ce matin, la section SARDA est passée, ici, se rendant à CHO GAO. Le ravitaillement nous est, maintenant, porté à domicile, convoyé par les blindés. Vu MARILLAUD et LONGFILS (Des FTA). Suis allé jusque RACH LA, chercher deux hommes, qui devaient se rendre à GOCONG.

 Le marché de RACH LA est bien endommagé. Dans l'après-midi, la Compagnie PAULY est revenue. Elle a pour mission, de se promener, du côté de BINH PHUC NHUT. Vu MORIN. Notre canon est sorti de son alvéole, prêt à intervenir, (Evitant l'angle mort) en cas d'accrochage.

 Les VM sont obligés de se déplacer fréquemment, avec ces nombreuses opérations. Malheureusement, cette compagnie ne restera pas bien longtemps, à notre disposition. Ce soir, tir de 12 coups de canon, sur la route coloniale, en prévision du convoi de MY THO, demain.

 23-8-47: De bonne heure, ce matin, la liaison de MY THO est passée par ici. Suis allé, avec deux groupes de combat, sur les lieux de l'embuscade du 16, pour rechercher, une fois de plus, le FM de PIVERT. J'ai bien l'impression qu'il n'y est plus.

 Dans l'après-midi, avec un groupe fort, je suis allé à la recherche d'aréquiers. D'abord, jusqu'à l'embouchure du RACH GOCONG, puis à l'entrée du canal de CHO GAO. Quelques salades de coeurs d'aréquiers, en perspective. Vu passer" LA SARCELLE" et le" VOLCAN". Nous, nous étions sur le LCM et le" NORMANDIE". Que de bateaux à la fois. Ce soir, la liaison de MY THO est repassée par ici.

 24-8-47: Matinée au poste. Travail normal. Dans l'après-midi, je suis allé à RACH LA, avec le Cne DURAND. On commence les travaux de renflouement du" PROVENCE". La" SARCELLE" est là. Le" VOLCAN" a apporté le matériel nécessaire, dont deux chalands métalliques, puis est reparti vers CHO GAO. Avons remanié nos groupes de combat. Deux, puissants, au lieu de trois, ridicules.

 25-8-47: De 7 h à 8 h 30: patrouille dans DONG SON. (Avec les deux groupes de combat, nouveau modèle, c'est à dire sérieux). Le village est toujours désert. Aussitôt, interrogatoire d'une prisonnière. (La 2eme femme d'un régulier). Enlevée à DONG SON, le 2 Juillet, emmenée successivement à GO BAU, BINH XUAN et LONG THANH, elle a été relâchée, il y a un mois environ, donc: suspecte. Dans l'après-midi, le Cne DURAND et un groupe de combat, sont allés à GOCONG. Les blindés viennent jusqu'ici maintenant.

 26-8-47. Patrouille de 0 h à 1 h, dans le village de DONG SON. Un petit groupe léger: 6 mitraillettes, deux revolvers, un certain nombre de grenades. Rien à signaler. Le village est calme, désert même.

 Debout à 7 h. Le" PROVENCE" est à flot, depuis 11 h. Interrogatoire de deux jonquiers, (Pas encore dans le LAROUSSE !) d'une jonque signalée rebelle. Travaux divers, dans le poste et autour du poste. Débroussaillage, four à pain, etc. N'ai pas bougé de la journée. Depuis trois jours, nous avons des lampes à essence (Récupérées dans le village). Elles sont installées au 1er étage. L'éclairage se trouve ainsi sérieusement amélioré. Ce soir, parties d'échecs avec le Cne DURAND.

 27-8-47: De 6 h 30 à 7 h 15, tir de 30 coups de canon, sur la route coloniale. L'AM de PIRIOU et le BREN sont venus chercher notre camion, pour la liaison de MY THO. De là, ce dernier partira pour SAIGON. Amélioration de ma planchette de batterie, qui se complique tous les jours ! Dans l'après-midi, je suis allé, avec deux groupes de combat, faire une patrouille jusqu'à une pagode, à l'Ouest d'ici.

 28-8-47: A 6 h: exercice d'alerte. Pour une fois, cela s'est passé sans bruit. La liaison de GOCONG est venue jusqu'ici, nous amenant l'Assistante Sociale (Régimentaire). COLAS est revenu la chercher, vers 12 h 30. La Compagnie Annamite PAULY est partie. Autrement dit, plus d'opérations d'envergure, avant un moment. C'est dommage car, seules, les opérations d'envergure, ont un semblant d'efficacité.

Avons essayé les" brûlots", à base de gas-oil. Pas bien convaincants. Par contre, PESIN a mis au point, un système d'éclairage, pour le pointage de nuit, du canon de 25 pounders. Toutes satisfactions.

 29-8-47: Nuit très calme, chez nous. Les VM ne semblent pas désirer nous attaquer. Ils seraient bien reçus ! Probablement, qu'ils le savent. Ce matin, le Cne DURAND est allé à RACH LA. Ici, travail normal.

 Dans l'après-midi, je suis allé, avec deux groupes de combat, sur le LCM 4, chercher des aréquiers, près de l'entrée du canal de CHO GAO. Avons réussi à ramener 84 arbres. Nous les avons trouvés, presque au même endroit, ce qui est une chance, car, d'habitude, ils sont plutôt disséminés.

 30-8-47: Ce matin, la section BERNADAC est passée par ici, se rendant à VAM LANG, par le LCM 4. Le Cne BOISSIN l'accompagnait. Au poste, les mêmes travaux continuent. Les abords commencent à être bien dégagés. Dans l'après-midi, BERNADAC et le Cne BOISSIN se sont arrêtés ici.

 D'après les conversations, il semble, que nous ne sommes pas au bout de nos difficultés. Le Haut -Commandement feint de les ignorer. La théorie" Veux pas le savoir", reprend le dessus. Par exemple:" Créez une section d'intervention"." Impossible, faute de personnel, nos pertes, en hommes et en matériel, n'ont pas été colmatées !"." Veux pas le savoir, débrouillez vous, si vous n'y arrivez pas, c'est que vous êtes des incapables !".

 Et les notes d'orientation, les ordres se succèdent, se contredisent. Pas d'importance, du moment que le parapluie est ouvert, dans les hautes sphères. Les unités combattantes n'ont qu'à s'arranger, pour être trop audacieuses, et" foutues dedans" en cas de pépins !

  En attendant, les ordres VM sont exécutés par la population, et les canards, poulets et cochons, sont partis pour des endroits, où il n'est pas prudent de s'aventurer, avec seulement deux groupes de combat.

 31-8-47: La liaison pour MY THO, a eu lieu aujourd'hui. Ici, travail normal. Au début de l'après-midi, nous avons fait une descente dans la maison de Mr TRI. (Histoire de paddy). Interrogatoire de cinq personnes, dont deux ont été retenues. L'Adjt- Chef GORREL est rentré de SAIGON, par la liaison. Le foyer a ainsi été correctement approvisionné, en cigarettes, en particulier, et en liquides divers. On s'attend encore à quelque chose, ces prochaines nuits.

 1-9-47: A 5 h: exercice d'alerte. Puis patrouille, RACH LA et entre deux ponts, à l'Est. Ramassage de canards et de cochons (Contre un bon, remis discrètement au gardien, remboursable au poste). Retour vers 9 h 30. En fin de matinée, reconnaissance dans le village, pour inventorier les différentes citernes. Les inconvénients de la saison sèche vont réapparaître. En particulier, la question de l'eau potable. Actuellement, les pluies sont fréquentes, mais d'un débit trop faible.

 De 20 h 30 à 21 h 30, je suis retourné dans le village, avec quelques hommes, armés de mitraillettes et de grenades. Les VM étaient passés avant nous, et avaient déjà placardé leurs tracts.

 2-9-47: A 6 h, je suis parti en patrouille, avec deux groupes de combat forts, (2 FM, 1 lance-grenades japonais, 1 VB). Visite rapide des hameaux d'AP BINH TU, AP BINH TAM, de BINH PHU TAY. Rentré, en passant par le village: RAS. A 11 h 30, visite des Cels HANNETON, CHANSON, NOBLET, du Cdt JOHNSON et des Cnes VAUDABLE (Anciennement à THU THUA) et BEAULIEU (Anciennement à la BCAD).

 Dans l'après-midi, le Lt BASSET (anciennement à FORT LAMY) est venu également. Il est resté, jusqu'en 1946, en AEF. Ce soir, deux incendies aperçus du côté de TANAN. De nombreuses rafales entendues, du côté de BINH PHUC NHUT. Le LCM 4 est rentré, vers midi, de MY THO. Cela fait de l'armement supplémentaire, pour défendre RACH LA, et qui n'est pas à négliger. (Deux 12, 7, 1 FM, 1 VB anglais).

 Les VM ont interdit à la population, de nous vendre quoi que ce soit. Heureusement, cela ne nous empêche pas de FAIRE SEMBLANT DE VOLER ! En patrouille, on rencontre un gardien de troupeau de canards. On lui en VOLE, par exemple, une centaine, tout en lui remettant, le plus discrètement possible, (Se méfier des guetteurs VM, toujours à l'affût),un bon, sur lequel figure le nombre de canards, classés en trois catégories (Gros, moyens, petits), et qu'il vient présenter au poste contre paiement.

 Il prend également note du prochain rendez-vous. Cela lui permet de faire une bonne affaire et, en même temps, il peut dire aux VM, qu'il est allé au poste, pour se plaindre, d'avoir été volé par ces méchants Français !

 Ces rendez-vous, ont toujours été respectés, et nous n'avons jamais eu la mauvaise surprise, de rencontrer des méchants, mal intentionnés VM, en lieu et place des convoités canards !

 Nos menus sont copieux, mais relativement peu variés. Un farceur pouvait presque dire: Canard au riz à midi, riz au canard le soir ! (Pour changer !).

 A ce sujet, un de mes camarades, rentré en FRANCE, et revenu pour un 2eme séjour, m'a raconté, qu'invité chez sa tante, qui, voulant lui faire plaisir, lui avait mijoté un magnifique canard à l'orange, il avait été obligé de lui dire." Ma tante, si tu veux me faire, réellement plaisir, fais moi un steak frites" -" Oh, mais c'est tellement ordinaire !" -" Pour moi, un vrai régal" -Essayez donc, de faire plaisir aux gens !

 3-9-47: Ce matin, vers 7 h 30, le Cne DURAND est parti pour MY LOI, avec le LCM 4. Rentré vers 13 h. Pendant ce temps, au poste, travaux de récupération de planches, jarres, corvée d'eau, à l'une des citernes abandonnées du village. Vers 10 h, alerte. BINH PHU TAY venait de signaler, que des VM se dirigeaient vers DONG SON. Ai rappelé tout le monde. Quelques instants plus tard, GOCONG nous demandait un tir, de 10 coups de 25 pounders, sur un objectif, donné par ses coordonnées. Exécuté, séance tenante.

 Par contre, n'avons aperçu aucun VM. Dommage, nous étions pourtant prêts, à bien les recevoir. Vers 11 h 45, l'AM de BECQUEREAU et le Scout de COLAS, amenant le Cne BOISSIN, arrivaient à DONG SON, après avoir enlevé une mine, et mis des rebelles en fuite, à coups de 37 et de 12, 7, (du côté de VINH THANH). Dans l'après-midi, au poste, continuation de la récupération de matériaux, dans le village.

 PIVERT nous a fait une première fournée de pain. (Il n'est pas mal du tout, ce pain). Dans la soirée, tir de 20 coups de canon, à la demande de GOCONG, sur les environs de BINH THANH, et de BINH XUAN. Gagné une première partie d'échecs, contre le Cne DURAND. (Il devait être distrait !)

 4-9-47: De bonne heure, ce matin, le Cne DURAND a repris le LCM 4, pour se rendre à BINH PHUC NHUT, et à la DRAGUE, où se trouve la section VIDAL. Pendant ce temps, ici, travaux divers. Coupe de cocotiers pour RACH LA. (Ils ne sont pas légers du tout !) A RACH LA, le poste est en cours de reconstruction. Le LCM 4 est rentré, vers l5 h.

 A 22 h 20, départ de ma patrouille légère, avec mitraillettes et grenades. Carrefour et route de BINH PHU DONG. Incursion dans une paillote. Nous nous sommes arrêtés, en voyant venir une forme blanche (pas un fantôme!), air décidé, confiant, ne s'attendant pas du tout, à rencontrer une patrouille, sur son chemin. Arrivé à 2 mètres de mon éclaireur de pointe, notre gaillard s'aperçoit du danger, et fait brusquement demi-tour pour s'enfuir. Trop tard, une rafale de 3, mortelle. Un de moins. Rentrés à 23 h 30, sans autre incident. La lune monte.

 5-9-47: Dans la matinée, corvée d'eau habituelle, sous la protection du groupe de PESIN. Puis transport d'un cocotier, à RACH LA. Au début de l'après-midi, la liaison de GOCONG est venue, jusqu'ici. A 14 h 20, je suis parti de RACH LA, sur le LCM 4, avec deux groupes de combat, chercher des aréquiers, sur le bord du canal de CHO GAO.

 Ai poussé jusque BINH PHUC NHUT. BLANC et un groupe sont venus sur les lieux d'abattage, d'où ils sont repartis, à notre départ. Rentrés vers 19 h l5, au poste. Ce soir, visite de Mr NGHIA et de Mr LE GALLIC (Commissaire). Il paraît que l'individu, que nous avons tué, la nuit dernière, faisait partie d'une patrouille VM de 6 hommes. Dommage que nous n'ayons pas vu les 5 autres. Mr BOLLAERT doit, paraît-il, prononcer son fameux important discours, au TONKIN, mercredi prochain.

 6-9-47: Aujourd'hui liaison GOCONG -MY THO. Sur la route, le camion a rencontré un barrage, près de VINH THANH, et une coupure, à un Km, à l'Est, du carrefour de BINH PHUC NHUT. L'AM, un camion et le scout-car sont venus jusqu'ici. Pendant ce temps, j'étais au local radio, tandis que le canon se tenait prêt à tirer. (Nous pouvons tirer de GOCONG à CHO GAO).

 Après-midi tranquille. Le convoi de MY THO est rentré, assez tard, mais sans passer par ici. Pour éviter toutes difficultés, les pièces de GOCONG, de VINH LOI et d'ici, ont tiré, chacune 20 coups, sur VINH THANH, (Où il ne devait pas faire bon se trouver) avant le passage du convoi. Dans la soirée, Mr NGHIA et Mr LE GALLIC, qui n'ont pas pu aller à GOCONG, sont venus nous rendre visite.

 7-9-47: Aujourd'hui, 18 mois de séjour accomplis. Dans la matinée, le Cne DURAND est allé, avec le LCM" LA SARCELLE", jusque BINH PHUC NHUT et LA DRAGUE. (Réglage d'artillerie: 8 coups, près de ce dernier poste).

 En fin d'après-midi, j'ai pris la limite courte, pour le canon, à une troisième position. Au courant de l'après-midi, j'ai pu ainsi, mettre le graphique à jour. (En ce qui concerne les limites courtes). Le Cne DURAND, rentré à 13 h, est reparti, à 15 h, pour MY LOI, d'où il est revenu, dans la soirée.

 8-9-47: L'instruction de nos 13 Caodaïstes a commencé, ce matin. De 6 h 30 à 7 h 30, manoeuvre à pied. De 7 h 45 à 8 h 45: le fusil. La liaison de GOCONG est venue, ce matin. Dans l'après-midi, de nouveau, instruction aux recrues. Des erreurs surgissent, au sujet de leur incorporation, comme par hasard. Finalement, sur les 13 arrivés, nous n'en conserverons, peut-être, que 7. Dommage. Ils sont pleins de bonne volonté, en tout cas, pour le moment.

 Evidemment, dans leur déguisement militaire actuel (comprenant des brodequins inutilisables en rizière), ils sont encore un peu gauches. Mais, avec le temps, cela changera facilement. Les Caodaïstes semblent vouloir se mettre, franchement, de notre côté. Mr NGHIA en est très content, et nous aussi.

 9-9-47: Parti ce matin, avec le LCM et un groupe de combat, plus, quelques travailleurs, pour BINH PHUC NHUT. Mission: récupérer des cocotiers, et des aréquiers, tandis que BLANC récupérait des tuiles. Avons déjeuné au poste, en famille. Dans l'après-midi, même travail. BLANC est reparti en jonque, au moment où nous, de notre côté, repartions pour RACH LA. Où nous avons été accueillis, vers 18 h, par une bonne averse. Ce soir, battu aux échecs, par le Cne DURAND.

 1O-9-47: Dans la matinée, instruction à nos Caodaïstes. Il n'en reste plus que 11. Les deux autres sont partis, par la liaison de GOCONG, pour laquelle, notre canon est en alerte. Au poste, divers travaux. A 15 h, je suis allé, à pied, à RACH LA, avec deux groupes de combat, que j'ai laissés, à l'entrée de ce village, pour débroussailler le carrefour, qui était devenu plutôt dangereux. Ici, dans l'après-midi, instruction aux Caodaïstes.

 Ils font toujours bonne impression. Ce soir, préparation, sur le papier, de la 2eme barrière, que nous commençons. Le poste devient, de plus en plus difficile, à attaquer. BOLLAERT a prononcé, aujourd'hui, son discours. Qu'a t-il dit ? Pour l'instant, nous n'en savons rien.

 11-9-47: De bonne heure ce matin, patrouille dans le village. Il est toujours aussi désert. Puis coupe et récupération d'aréquiers, pour notre deuxième ligne de défense. Dans l'après-midi, à 14 h 45, exercice d'alerte. Puis le Cne DURAND s'est rendu à MY LOI. Pendant ce temps, au poste, continuation des travaux et instruction aux Caodaïstes.

 12-9-47: Il y a un an, j'arrivais à GODEN ! Ce matin, à 7 h, je suis parti en patrouille: village de DONG SON, piste et village de RACH LA. Les travaux de reconstruction de ce poste, sont bien avancés. Aussitôt rentrés ici, avons commencé notre deuxième ligne de défense. Dans la rizière, cela va tout seul. Sur la terre ferme, le travail est plus long et plus pénible.

 Heureusement, nous disposons de deux perforeuses à main. Ai appris récemment, que le Chef de Canton de BEN LUC, avait été tué, au cours d'une tournée administrative. Encore un grand ami de la FRANCE, qui disparaît. Les tracts VM, trouvés ce matin, à RACH LA, demandent aux réguliers et aux partisans, de déserter, le plus tôt possible. Dans l'après-midi, continuation des travaux.

 13-9-47; Ce matin, une partie de la liaison GOCONG -MY THO, est passée par ici. Le canon s'est donc tenu en alerte, comme d'habitude. DEMOOR a effectué ce matin, une patrouille, avec deux groupes de combat, même itinéraire qu'hier matin. Travaux autour du poste. Le réseau commence à prendre tournure. Si nous disposons de suffisamment de fil de fer, il ne sera que difficilement franchissable. Ce soir, parties d'échecs avec le Cne DURAND.

 14-9-47: Dimanche. Dans la matinée, je me suis occupé à poser les fils de fer, du réseau en construction. Pas de liaison. Après-midi tranquille. Repos complet. Ce soir, VINH LOI a tiré sur VINH THANH.


 
 

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