OreilleG100

La Baraka d'un FFL 40



3. PARIS

A 15 ans, après deux années de pâtisserie, mon frère a été envoyé à LANNION, (Côtes d'Armor maintenant) pour y apprendre la cuisine. Puis à DINARD St LUNAIRE, puis au TOUQUET PARIS-PLAGE, (Un voyage sur le" DE GRASSE": LE HAVRE- NEW YORK-LE HAVRE),(Sur le paquebot DE GRASSE) enfin au restaurant LITTLE HUNGARY, à PARIS (Cuisine d'Europe Centrale), tout en suivant les cours de l'Ecole Hôtelière (Anglais, Allemand). Service militaire à l'Ecole Militaire à PARIS, avec le galon de Maréchal des Logis, à la clé.

Rendu à la vie civile, il a épousé Suzanne DEROBERT, soeur de Georges (Ingénieur des Ponts et Chaussées, à LAMARCHE dans les Vosges) et de Camille (Colonel d'aviation de chasse, à CHARTRES, où l'on rencontre les Morane 406 et les Dewoitine 52O) tous trois, enfants de Isidore DEROBERT, gendarme en retraite, habitant, avec sa femme, à GRANGES SUR VOLOGNE, dans les Vosges.

Mon frère et Suzanne habitent au 36, rue des Bergers, à NANTERRE, et mon frère travaille désormais, au Restaurant d'Autriche, 11, rue Taitbout, près du journal" LE TEMPS" (plus tard LE MONDE), téléphone PRO 52 79, où il gagne TRES BIEN sa vie.

J'ai ma chambre, et un petit bureau tout neuf, tout le confort pour bien travailler. Car le quartier, un peu retiré, est relativement calme.

Le propriétaire, Monsieur RAISSON, habite tout près, avec sa femme. Très gentils : nous nous voyons tous les jours. Conversation truffée d'argot parisien, que j'entends pour la 1ere fois, mais qui ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd.

Suzanne a une tante, tante Blanche, qui est concierge au 67, Boulevard des Invalides à PARIS, elle y vit en permanence avec son mari, amputé d'un bras, ce qui ne l'empêche pas, d'être toujours d'excellente humeur. Nous  nous  voyons, assez souvent.

Dans PARIS, avec Suzanne, nous allons souvent aussi, au 13, rue Royale, voir Madame MABILE qui, déjà âgée, continue à servir Madame MAGUET, de son mieux.

Sur la rue: une plaque, entre autres, indique: MADELEINE, LUCIENNE, MAGUET, HAUTE COUTURE.

Cette entreprise, bien parisienne, a connu des fortunes diverses: la réussite, la défaillance, la réussite et un nouveau déclin en cours.

Mme MAGUET reçoit, tous les ans, un fût (dans les 225 litres) de vin de BORDEAUX de qualité, qu'il faut, bien entendu, mettre en bouteilles. Aimant rendre service, c'est ma NATURE , cette petite tâche, va désormais, m'être confiée.

A la cave, aux odeurs caractéristiques indéfinissables, le lavage des bouteilles vides, leur remplissage, la mise en place des bouchons, enfin le rangement, dans des casiers, prévus à cet effet, est un jeu d'enfant, qui ne nécessite pas, des aptitudes particulières, et je m'en tire très bien. Et puis la manipulation des bouteilles, cela me connaît !

Mme MAGUET a un fort besoin d'argent liquide, et une machine à écrire à vendre: une ROYAL déjà âgée, mais marchant encore très bien. Suzanne me conseille de l'acheter: 200 francs seulement, c'est une excellente affaire (et peut être une bonne action!) Je la fais et cela aura, peut être, été la première bonne affaire de ma vie. Les machines neuves, à cette époque, sont hors de prix et incompatibles avec un petit budget, comme celui dont je dispose. Le transport de cette machine, relativement lourde, à pied, en métro, en autobus, puis à pied, jusqu'à la maison, n'a pas été de tout repos, mais enfin, on y est arrivé!

Je vais donc pouvoir m'exercer, à taper à la machine, d'abord avec un doigt TIMIDE, de chaque main, puis avec trois doigts. (Les annulaires et auriculaires, n'ont jamais voulu participer à l'effort général!). Enfin suffisamment vite, pour pouvoir écrire, lisiblement, ce qui ne gâte rien, plus vite qu'à la main. Tout bénéfice, car je m'aperçois, chaque jour davantage, que, savoir taper à la machine, est devenu indispensable, ne serait-ce que pour la présentation du courrier, mais aussi, plus tard, pour pouvoir, à l'occasion, se passer de secrétaire, lorsque des secrets importants sont en jeu. (Cela m'est arrivé).

Dés la rentrée des classes, je rentre en troisième B 2, demi-pensionnaire, au lycée JANSON DE SAILLY (4200 élèves), l06, rue de la Pompe, (Métro Pompe) à PARIS, dans le 16eme Arrondissement.

Pour y aller: 1 km en courant, jusqu'à la station" LES BERGERS", où je prends le" 58", qui me dépose, soit au pont de NEUILLY, soit à la porte MAILLOT.

Un premier métro, jusqu'à l'  ETOILE

Un deuxième métro, jusqu'au TROCADERO

Un troisième métro et descente à la 1ere station" POMPE", proche du lycée. On est à PARIS, tout le monde court!  (Pas pour me déplaire !)

Premiers contacts, avec de nouveaux camarades, de tous les milieux sociaux. Les Parisiens ne sont pas les seuls. Les Provinciaux, et même les Etrangers, sont bien représentés.

Premier étonnement: le nombre de sections, par classe: 3eme A1, 3eme A2, 3eme A3, 3eme A4, 3eme A5 (Latin, Grec)

3eme A'1, 3eme A'2, 3eme A'3, 3eme A'4 (Latin)

3eme B1, 3eme B2 (Sciences, Langues)

 Les cours de récréation sont recouvertes de ciment, et équipées de plusieurs terrains de basket. Contre les murs, on joue à la pelote à deux ou à quatre, avec une petite balle, qu'on lance contre le mur, (Au dessus d'une ligne horizontale) et qui a le droit de tomber une fois par terre, et doit alors être rattrapée, par le, ou l'un des joueurs adverses, et relancée contre le mur, à une certaine hauteur délimitée. Ce jeu très remuant, et ne prenant pas grande place, est très en vogue. (Une sorte de pelote basque miniature).

Attiré surtout par le basket, je finis par y consacrer, la plus grande partie des temps de récréation (Trois heures au total).

En dehors des récréations et des cours, nous sommes en étude, surveillés par un répétiteur, poursuivant lui même, de hautes études, licences et  même,  doctorats.

Etant demi-pensionnaire, à midi, je prends mes repas au réfectoire, où nous disposons de tables, pour huit élèves, qui choisissent leurs places, et les conservent, une fois pour toutes.

Pour se servir, un tour est établi, et parfaitement respecté. Nous sommes entre gens de bonne éducation, ou tout au moins, nous réussissons à le paraître !

En cours d'année, j'ai passé un nouveau concours, pour obtenir les bourses, et j'ai eu l'étonnement d'abord, puis le plaisir d'y réussir. Désormais, l'Etat pourra m'aider, à financer mes études, jusqu'à 27 ans, à une condition: ne jamais redoubler, sinon: plus de bourse. Je n'y pense même pas. Un peu désorienté le premier trimestre, je suis en net progrès, dés le 2eme, et termine le 3eme, dans les bons élèves, pas parmi les" lu égale compris", mais parmi ceux, qui sont obligés de faire un effort.

Pour ce troisième trimestre, il y a eu du changement. Les transports en commun, prenant réellement beaucoup de temps, je suis devenu pensionnaire. Pas d'erreur, on travaille mieux en étude, que dans le métro.

Le dortoir des élèves de ma classe, étant complet, j'ai eu l'étonnement, de partager le dortoir des élèves préparant les grandes écoles. Et de me faire une idée, de ce que travailler veut dire, quand on veut réussir.

Suivant leur tempérament, certains élèves travaillaient très tard, avant de s'endormir, d'autres, au contraire, se levaient très tôt. Les uns et les autres devaient dormir, leurs cinq heures, mais guère davantage.

L'un d'entre eux, s'étant penché sur mon travail, tandis que je devais faire consciencieusement, une multiplication, genre 65 x 65, m'a dit" Petit, tu ne sais pas encore trouver, rapidement, les carrés de petits nombres terminés par 5? -" Multiplie, de tête 6 par ( 6+ 1), le résultat par 100, et ajoute 25 soit 4225.

Mais ce n'est valable, que pour les carrés de nombres terminés par 5. Il ne m'avait pas expliqué pourquoi, (le cachottier!) et ce n'est que bien plus tard, que j'ai eu le fin mot de l'histoire:

 (10 X+ 5)2  =  100 X2 + 100 X + 25

 Soit l00 X (X+ l) + 25

 C'est simple, mais il fallait y penser. Ah ces polytechniciens!

Si on n'avait pas été puni, on pouvait avoir la permission de la journée, le Dimanche. J'en profitais, pour aller voir Suzanne, à NANTERRE. Mon frère nous rejoignait, dans l'après-midi, après son service au Restaurant, et avant le service du soir, autrement dit, pas longtemps.

Un jour, en riant, il me dit:" Si tu veux me voir plus longtemps, viens travailler, le Dimanche, au Restaurant ! Avec joie, je l'ai pris au mot et, dès le Dimanche suivant, je me présentais au Restaurant, et fus embauché sur le champ. Comme commis débarrasseur, au  rez-de-chaussée, sous les ordres de trois chefs de rang. Nettoyage de la salle. Mise en place des tables, nappes en toile, set en papier, serviettes en toile, verres, couverts, corbeilles à pain, sel, poivre, huile, vinaigre, moutarde, cure-dents, et le menu, que Joseph avait tapé, comme tous les matins et polycopié.

Lorsque la salle était ainsi prête à recevoir les clients, je descendais à l'office, préparer les fruits, dont le pâtissier avait besoin, pour ses tartes et autres desserts. Mon frère était là aussi, préparant les hors-d'oeuvre, avec son complice Marcel, pour les dix litres de mayonnaise (mon frère se servant du grand fouet, Marcel déversant l'huile, à plein goulot, un vrai spectacle! Jamais une, de ratée! ).

Le pâtissier Louis, était d'origine tchèque, le cuisinier Lishka, autrichien. Mes trois chefs de rang, au rez-de-chaussée étaient: l'Autrichien Joseph, l'Alsacien Keller et un Parisien.

 Le Barman Popov faisait son marché, de bonne heure, avant de prendre place à son bar. La caissière recevait les bons de commande, préparait les additions des clients et les encaissait. Et tout ce petit monde sympathique, était supervisé par le patron Monsieur SCHUCH, et sa femme, Autrichiens tous deux, et considérés, par tous, comme de bons patrons.

Avant le service, les hors-d'oeuvre et desserts, amenés par le monte-charge (manoeuvré à la main), étaient exposés au rez-de-chaussée, sur une grande table, et tous les clients pouvaient les admirer, en rentrant, avant de passer à table. Rien de tel pour aiguiser l'appétit !

A onze heures, tout le personnel prenait ensemble le repas. Puis arrivaient les clients, je prenais leurs manteaux, chapeaux, éventuellement parapluies, leur remettais un bon, puis descendais le tout, au sous-sol, au vestiaire. Pendant le service, j'évacuais les verres vides au bar, où Popov les relavait et les essuyait consciencieusement. Je dirigeais les assiettes sales,   couverts, vers le monte-charge et, lorsqu'il y en avait suffisamment, je descendais le tout, à destination du plongeur, un Français, dont j'ai oublié le nom.

 Lorsqu'un client partait, je lui remettais son vestiaire, généralement contre un petit pourboire.

Puis, je remettais la table en ordre, prête à recevoir un nouveau client. Tout ce service se faisait entièrement à la carte.

Tandis que je m'affairais au rez-de-chaussée, mon frère était chef de rang, au 1er étage et, avec l'aide d'un commis de suite, s'occupait de treize tables. Deux escaliers à parcourir, depuis la cuisine.

Les derniers clients partis, de nouveau le nettoyage et la remise en ordre, pour le service du soir.

Aussitôt libres, mon frère et moi, reprenions les métros et autobus, pour retrouver Suzanne, à NANTERRE. Après-midi joyeuse, et soins des pieds endoloris (aux saltrates Rodell, changement de chaussettes!)

Puis de nouveau, l'autobus et les métros, pour que tout le personnel ait fini de dîner, avant 19 heures.

Pour le service du soir, je ne travaillais que jusqu'à 21 heures, afin de ne pas être en retard, au dortoir du lycée.

Mon frère continuait, jusqu'au départ des derniers clients, puis s'installait à une table, avec Joseph, et un autre chef de rang, pour compter et répartir les pourboires, qui avaient été centralisés, dans une boîte.

30 francs étaient prélevés, pour chacun des commis, le reliquat était équitablement réparti, entre tous les chefs de rang. Le patron garantissait 50 francs, à chacun des chefs de rang, si les pourboires avaient été insuffisants. A ma connaissance, cela ne s'est jamais produit.

La fin du service, était suivie du retour au vestiaire, grands casiers métalliques, fermés par un cadenas (à chiffres pour le nôtre), où l'on rangeait, soigneusement, notre tenue de serveur: pantalon noir, chemise blanche, bretelles tyroliennes vertes, reliées à hauteur de poitrine, par une bande horizontale fleurie, cravate rouge, et veste d'un beau bleu clair, à boutons plats dorés.

Ayant pris goût, pour ce travail de restaurant, que je considérais comme un sport intelligent et très éducatif, je fus facilement accepté, pour y travailler, une partie importante de mes vacances. Le repos, est un changement d'occupation !

Observer le comportement des clients, de toutes nationalités, est tout simplement passionnant.

Grâce à ce que je gagnais, je pouvais désormais, m'acheter facilement, toutes les trois semaines, la paire de chaussures de basket, qui rendait l'âme régulièrement, en raison des trois heures journalières (toutes les récréations) (Match ou pas match!), que je consacrais à ce sport.

Pendant les vacances, il nous arrivait, Suzanne, mon frère et moi, de prendre le train, gare de l'Est, et d'aller voir la famille de Suzanne, à GRANGES SUR VOLOGNE, et la famille Georges, Léa et Georges (leur fils JOJO, d'un an environ plus jeune que moi) à LAMARCHE (Egalement dans les Vosges).

Georges, l'ingénieur des Ponts et Chaussée, aimait commencer sa journée, de bonne heure, par une partie de pêche, dans la rivière voisine, puis il prenait sa voiture (une Peugeot, remplacée régulièrement, tous les deux ans) et allait essayer les virages des routes avoisinantes, puis rentrait pour déjeuner. Son après-midi était consacrée au travail de bureau, à domicile, ce qu'il appréciait plus que tout. Rapports sur les virages à redresser, etc.

Léa s'occupait du ménage, et consacrait son temps de loisir, à confectionner des chapeaux de dames, indispensables à cette époque, ne serait-ce que pour aller à la messe, et les faire admirer

Le jeune Georges (JOJO), et moi, faisions des randonnées, à bicyclette, dans les environs, quelques acrobaties à vélo aussi. De vrais petits fous inséparables. Il nous arrivait également, de fendre le bois, pour éliminer notre trop-plein d'énergie !

A GRANGES SUR VOLOGNE, passe la VOLOGNE, bien entendu, dont l'eau, dévalant directement de la montagne, est d'une limpidité admirable. De quoi donner envie de s'y baigner, et c'est ce que j'ai fait, une fois, pendant les vacances de Pâques, tandis que brillait un magnifique soleil. J'ai plongé, de bon cœur, mais j'en suis ressorti, à une vitesse phénoménale, en me promettant, de ne plus jamais recommencer. JAMAIS ! L'eau traîtresse, était réellement trop froide, pour un non Scandinave !

Dés mon entrée en 2eme B2, je pus rejoindre le dortoir des élèves de ma classe. Changement de décor. Dés 21 heures, les lumières étaient éteintes et le silence devait être total.

Heureusement, le pion, compréhensif, tolérait que l'on travaille sous les couvertures, avec une lampe électrique de poche. De temps en temps, dans le noir, la tête émergeait, pour respirer.

Au point de vue résultats scolaires, je n'étais pas à plaindre.

- En 3eme B2: Inscrit au tableau d'honneur: 3 fois
- 3eme Accessit en Histoire et Géographie
- 1er Accessit en Mathématiques
- 1er Accessit en sciences Naturelles
- 2eme prix en récitation
- 4eme Accessit en Education physique
- 2eme Prix en Anglais
- 4eme Accessit en Etude.
- La 3eme B2 est 1ere, au tournoi d'Athlétisme des 3eme, et 1ere en basket
- En 2eme B2: Inscrit au Tableau d'Honneur: 1 fois
- 2eme Accessit en Histoire et Géographie
- Accessit en Allemand
- 1er Accessit en Anglais
- 2eme prix d'étude
- La 2eme B2 est première de sa classe en basket
- En 1ere B2: Félicitations du conseil de Discipline: 1 fois
- 2eme prix de Composition Française
- 2eme prix en géographie
- 2eme accessit en histoire
- 3eme accessit en éducation physique
- La 1ere B2 est la 1ere de sa classe, en basket

A la fin de la 1ere, je passe les épreuves du baccalauréat (1ere partie) (Ecrit et oral), à PARIS.  Grâce à un 9/1O, coefficient 3, en mathématiques, à l'écrit, et facile  développement  de ( aX2  +  bX  +  c ), à l'oral,  je réussis et suis admis en classe de MATHS-ELEM.


 
 

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