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La Baraka d'un FFL 40



4. LA  GUERRE

Mon frère est mobilisé, rappelé au 27eme G. R. D. I. Je le remplace au Restaurant, comme Chef de rang de 13 tables, avec un commis de suite, pour m'aider. Mes connaissances en Anglais et en Allemand sont, plus que suffisantes. Je suis content de pouvoir aider Suzanne, qui a été si gentille pour moi. Je me suis aperçu, par la suite, que je gagnais autant, qu'un Colonel de l'époque!

Mais la rentrée scolaire approche, et je suis inscrit au collège de MORLAIX, comme pensionnaire, en classe de Maths- Elem.  Signe distinctif: on porte un" mu" grec sur le calot. Les élèves de philosophie, quant à eux, arborent fièrement un" Phi".

Une nouvelle vie commence, partagée entre les études au Collège, les sorties et les vacances à HENVIC, où la tante Jeanne LE DLUZ, a remplacé, pour moi, ma grand-mère.

J'aurais voulu m'engager, mais mon frère n'a pas voulu signer l'autorisation. Contre mon gré, je suis condamné à poursuivre mes études, mais mon esprit est souvent ailleurs. Probablement ma haine du Boche, inoculée par notre forgeron, avec ses histoires de la Guerre mondiale 14-18.

Puis, tout se précipite, les Allemands avancent partout et, le 18-6-40 ils atteignent MORLAIX. (Pas entendu  l'appel de Général DE GAULLE, cet INCONNU !)

Notre Principal, Mr SCHLEMMER, très ému, nous réunit et nous dit:

" Mes pauvres enfants, les Allemands sont là, si j'avais votre âge, je passerais en ANGLETERRE".

Puis il nous a libérés, nous demandant de rentrer chez nous, par n'importe quel moyen, en évitant tout contact, avec les Doryphores ou Vert de gris, noms donnés, entre autres, à l'époque, à l'envahisseur.

A pied, j'ai donc quitté le Collège, et je suis allé chez mon parrain de KERRILY VIAN, le temps de voir venir, tout en l'aidant à sarcler son champ.

Le 23 Juin était un Dimanche. Dans l'après-midi, avec quelques camarades, nous sommes allés jusqu'à un dépôt d'essence en touques, abandonné par les Anglais, entre HENVIC et TAULE, en pleine nature et non gardé. Y mettre le feu était un jeu d'enfant. Nous nous sommes pris au jeu et, bientôt, une fumée gigantesque, s'est élevée au dessus du brasier.

Cette distraction, étant passible de la PEINE DE MORT, triste sort, pour des humains de notre âge, nous nous sommes donnés rendez-vous, pour le lendemain, au Pont de la Corde, où un propriétaire de bateau de pêche, voulait bien nous aider, à essayer de rencontrer un bateau anglais au large, qui pourrait nous emmener en ANGLETERRE.

Individuellement, pour ne pas attirer l'attention des Allemands, déjà confortablement installés à CARANTEC et à ROSCOFF, nous nous sommes glissés au fond du bateau (Nous étions huit à vouloir partir, dont mon cousin Jean le DLUZ).

A midi, l'équipage est monté à bord, comprenant le propriétaire Jacques (prononcez Jaquesse) GUEGUEN, et deux, tout jeunes, de sa famille. J-Gueguen-001c2.gif

Moteur auxiliaire mis en route et départ, direction la mer, comme si nous allions à la pêche, en descendant la PENZEE, c'est probablement, ce qu'ont dû penser les Allemands, n'apercevant qu'un équipage de trois, et loin de se douter, qu'il pouvait y avoir une cargaison humaine clandestine, à bord. (QUI OSERAIT FAIRE UNE CHOSE PAREILLE ?)

Après avoir quitté la PENZEE (qui connaît des différences de marées de 7 mètres), nous avons commencé à connaître les joies du roulis et du tangage en pleine mer (La MANCHE, au mois de Juin, est souvent agitée).

Lorsque la côte n'a plus été en vue, nous nous sommes sentis de nouveaux êtres humains, libres pour tout dire, et nous avons enfin, pu discuter en toute tranquillité.

D'abord le nom du bateau: le POURQUOI PAS? Tout un programme. Jacques GUEGUEN avait navigué, pendant 15 ans, au service du Docteur CHARCOT, sur le POURQUOI PAS. Rentré au pays, c'est le nom qu'il a choisi pour son bateau de pêche: 11 mètres de long, voiles et moteur auxiliaire. La bonne coquille de noix bretonne. (Appris, à la fin du siècle, que c'était un sablier de 8 mètres 40 !)

Parmi les huit fugitifs, il y avait trois marins confirmés. Quant aux cinq autres, ils étaient plutôt jeunes, et le plus jeune était Jean le DLUZ, 16 ans à peine.

Aucun bateau en vue. Le soir, nous nous sommes réfugiés, entre deux rochers, prés de l'île de BREHAT.

A 4 heures du matin, nous avons été réveillés, par les pêcheurs de l'île, qui reprenaient la mer, et nous ont dit, (en breton), que les Allemands étaient déjà dans l'île.

JERSEY?  a demandé Jacques GUEGUEN. Nord -Est pour toute réponse, mais suffisante pour un départ immédiat, dans la bonne direction.

La mer est de plus en plus agitée. Le bateau tient merveilleusement la mer, montant à l'assaut de murs d'eau, paraissant infranchissables, pour se retrouver, tout au fond d'un creux de vague.

Voir Jacques GUEGUEN à l'oeuvre, en pareilles circonstances, est tout simplement fantastique. Debout, la main gauche tenant la barre, la droite emprisonnant sa bouffarde, sur laquelle il tire avec satisfaction. Tout en nous donnant des conseils, à nous les jeunes, contre les désagréments du mal de mer. Ne te contrarie pas avec les mouvements du bateau. Laisse- le faire ce qu'il veut, et tout ira bien.

Terre en vue, vers 11 heures. Avons hissé un drapeau français, d'une taille imposante.

A midi, nous étions à quai, à JERSEY, dans le port de St HELIER. Nous avons été très bien reçus, du fait que nous venions aider les Anglais, à continuer la lutte contre les Allemands. Nous avons reçu des cigarettes anglaises de toutes marques, puis nous avons quitté les membres de l'équipage, et nous avons été logés chez les Frères. (Des religieux).

Le POURQUOI PAS est retourné à HENVIC et, à la barbe des Allemands, a amené à bon port, à JERSEY, une nouvelle cargaison humaine (45 cette fois). Retourné en BRETAGNE, il a effectué un troisième voyage, avec 35 volontaires, qu'il a emmenés, directement en ANGLETERRE.

Le 1er bateau en partance pour l'ANGLETERRE, étant le cargo" HYTHE" et ne partant, que le lendemain soir, nous sommes restés chez les Frères, jusqu'au lendemain, en fin d'après-midi.

Nous nous sommes présentés, pour l'embarquement tous les huit.

Le commandant en second, semblait hésitant, et ne voulait pas nous embarquer. Lui en ayant demandé la raison, il me dit, qu'il n'avait pas de cabines. Nous avons éclaté de rire, et lui avons dit, que les cabines ne nous intéressaient pas du tout ; seulement aller en ANGLETERRE, et vite.

L'attitude du second a changé, du tout au tout, et il nous a dit que, dans ces conditions, tout le pont supérieur, était à notre disposition. Nous nous sommes installés, sur les caisses de bouteilles vides de bière (qui retournaient en ANGLETERRE pour remplissage). Pas d'erreur, le tangage et le roulis sont, tout de même, moins importants, sur des navires de ce tonnage, que sur les coquilles de noix bretonnes. Nous avons parfaitement bien dormi, à la belle étoile et, au matin, nous arrivions à SOUTHAMPTON.


 
 

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