Le 15-3-58, à MARSEILLE. Au revoir, NOTRE DAME DE LA GARDE,
je suis sur le LYAUTEY, qui me débarque le 20-3-58 à:
D A K A R
Je suis affecté au 6eme R. A. C., et classé à
la BHR, dès le 21-3-58. Je suis d'abord logé dans l' ILE
DE GOREE, reliée à DAKAR, par une chaloupe, sur laquelle,
tout le monde finit par se connaître. Les logements sont anciens,
mais bien conçus. Comme curiosités: la MAISON DES ESCLAVES,
d'où partaient les NOIRS, pour les Amériques, et le MUSEE
OCEANOGRAPHIQUE, avec d'impressionnants squelettes de requins. Les grandes
distractions, pour les Européens, sont: la pétanque et la
pêche. Ai eu l'occasion de pêcher une girelle royale multicolore,
et une truite de mer.
Suivant le conseil des anciens, je prends mes repas au Restaurant
français" LE COSMOS", tenu par Mr GARINEAU (Un Charentais), aidé
de sa femme et de leur nièce LILY. Il a également un jeune
fils. Bonne surprise ici, les crevettes et les langoustes sont très
bon marché ! (Pêchées par les Bretons et les Basques).
Les crevettes, en dehors d'excellents hors d'oeuvre, servent d'appâts
pour la pêche.
En Septembre 54, sur présentation de mon brevet militaire
(VL -PL), j'ai reçu automatiquement, mon permis civil (VL seulement
!). Il me servira ici, un Sous-officier supérieur de la Marine,
rapatriable, me cédant sa Citroën 11 BL, à un prix défiant
toute concurrence. Elle est suffisamment bonne, pour que, l'ayant utilisée,
pendant tout mon séjour, je pourrai la céder à un
nouvel arrivant, à mon tour, à un prix tout aussi intéressant
!
Question travail, j'ai assuré différentes fonctions
administratives, dont : Officier mobilisation. (Travail ingrat, fastidieux
au possible, les réservistes à ma disposition, résidant,
pour la plus grande part, en Amérique du Sud, et changeant fréquemment
de résidence).
Au bureau des Effectifs, un nombre considérable d'avis
de mutation, à un nombre imposant d'exemplaires, nécessitant
l'emploi d'une ronéo GESTETNER. Pénurie de dactylos. Heureusement,
je sais taper, car j'ai toujours aussi horreur du retard !
Retrouvé ici le Capitaine DOREAU, perdu de vue depuis
le 1er séjour en INDOCHINE. Sa femme SUZY et ses deux enfants, sont
avec lui. Fait la connaissance d'un célèbre FFL, le Capitaine
GRAND; c'est lui qui, étant encore sous-officier, avait promené,
toute une nuit, le fameux canon de 75 de KOUFRA, pour faire croire aux
Italiens assiégés, que l'artillerie ennemie était
très puissante, ce qui avait joué un grand rôle, dans
leur reddition.
Pour compter du 1er Décembre 58, le 6eme Régiment
d'Artillerie Coloniale change de nom, et s'appellera désormais:
le 6eme Régiment d'Artillerie de Marine. (6eme RAMa). Petite satisfaction
accordée à l'opinion publique, impressionnée par les
campagnes ANTICOLONIALISTES. Peut-être justifiées, pour 10/100
des Colons ou Coloniaux, (proportion normale de gens peu intéressants,
dans toute société, quelle qu'en soit la couleur), les coloniaux
civils et militaires en conserveront l'esprit, qui est de se dévouer
pour son prochain, jusqu'au sacrifice suprême.
Les vrais coloniaux, je ne parle pas des brebis galeuses, sont
justement fiers de leur passé, n'ont à rougir de rien, et
méprisent les calomniateurs qui, eux, ne méritent aucune
considération. Personne n'oublie, parmi nous, que le Régiment
d'Infanterie Coloniale du Maroc, est le plus décoré de FRANCE,
avec un Régiment de la Légion Etrangère. Bien faire
et laisser braire !
DAKAR étant une ville très calme, le maintien de
l'ordre y est facile, et le temps de loisirs, au Régiment, est très
important. Le dimanche matin, j'achète des crevettes et, muni d'une
bobine de fil de pêche, je m'adonne à la palangre à
trois hameçons (Un caillou fixé, tout au bout), sur la digue
de GOREE (Qui n'a pas été prolongée, jusqu'à
l'île, car elle était la cause de l'ensablement du port de
DAKAR).
Cette DIGUE est, officiellement, INTERDITE car, de temps en temps,
(Tous les deux, trois mois, peut-être), elle est submergée
par une lame de fond, imprévisible, qui précipite à
l'eau, tous les imprudents, se trouvant là, au mauvais moment !
Cela peut être grave, si l'on ne sait pas nager.
Il y a donc beaucoup de noirs sur cette digue, qui se reposent,
tandis que quelques uns d'entre eux, seulement, trempent et surveillent
leurs lignes. Tout à coup, l'un d'entre eux, pousse un cri. Tout
le monde se réveille, et taquine le poisson, dont l'heure est venue
de manger ! Lorsque les poissons sont rassasiés, les pêcheurs
reprennent leur sieste, interrompue.
Ce qui m'amuse, c'est la pêche au" sar" (donc du petit
poisson). En une matinée, il n'est pas rare que j'aie rempli un
demi sac de plage, que je donne, en rentrant, au premier venu intéressé.
Une ou deux fois, dans la matinée, les trois hameçons ont
été occupés !
En tant qu'ancien FFL (Forces Françaises Libres), je me
suis trouvé, aux premières loges, lors de la visite du Général
DE GAULLE, qui nous a serré la main, à son départ
de l'aéroport de YOF (Près de DAKAR).
J'ai eu le plaisir aussi, de retrouver ici, le Colonel DURAND,
que je n'avais pas vu, depuis l'INDOCHINE.
Le climat de DAKAR est très agréable. En somme,
un séjour de tout repos.
J'ai eu l'occasion également, d'aller un peu à
l'intérieur des terres, passer un film, dans un village, où
l'on n'avait jamais vu de cinéma ! Avons été très
bien reçus. La chaleur était nettement plus importante qu'à
DAKAR.
Pendant mon séjour à DAKAR, j'ai eu l'occasion
aussi, d'améliorer mon anglais, avec la méthode" L'anglais
sans peine". J'ai même passé l'examen du Brevet du 1er degré
militaire. Echoué, parce que j'ai traduit" The boat is below the
bridge" par" Le bateau est sous le pont", alors qu'il fallait écrire"
Le bateau est en aval du pont". Maintenant je le sais ! Je n'ai tout de
même pas perdu mon temps, et c'est là le principal.
Ayant commencé à étudier l'anglais, dès
l'âge de 10 ans, je dispose maintenant, d'un vocabulaire plus qu'honorable.
Mon accent dominant est celui de la région d' OXFORD, là,
où je suis resté le plus longtemps, en ANGLETERRE en 40-41.
C'est un Gallois, qui me l'a fait remarquer !
Mon séjour en AOF se termine et, le 1-10-60, je reprends
le bateau (Je pense le" LYAUTEY", de nouveau, sans pouvoir l'affirmer,)
et, le 5-10-60, Bonjour NOTRE DAME DE LA GARDE, merci, je suis encore là,
et toujours sans une égratignure ! (Je retouche du bois !). En congé
de fin de campagne, à NICE, jusqu'au 3-2-61. Donc quelques mois,
avec mon frère, et Irène, au Restaurant Le FLORIAN, 22, rue
Alphonse KARR, entre la gare et la Promenade des Anglais.