OreilleG100

La Baraka d'un FFL 40



5. ANGLETERRE

Partis lundi midi, aujourd'hui, jeudi 27 Juin 40, nous avons atteint notre premier objectif, et sans mauvaise surprise. Ce n'est pas si mal, et le moral est très élevé.

Première séparation: les trois marins confirmés, vont être dirigés, sur le port militaire voisin, qui est PORTSMOUTH, et nous, les cinq jeunes, nous sommes pris en charge, par la Police d'abord, puis par l'autorité militaire, en la personne d'un brave sergent, avec ses trois galons, qui nous guide dans les formalités, dont un premier interrogatoire, nous emmène à la gare, nous fait monter dans un compartiment réservé, et nous accompagne jusqu'à LONDRES.

Arrivés dans la capitale, nous sortons de la gare, où une dame anglaise nous accueille." C'est vous les petits Français, qui venez d'arriver? La voiture est avancée", et nous avons la surprise, de monter dans une luxueuse et spacieuse Rolls-Royce, qui nous dépose, dans un grand lieu public.

Réellement déjà beaucoup de monde, et de toutes les nationalités. Nous nous retrouvons avec les Français, et nous remarquons déjà, que les Bretons sont en majorité, qu'on pourrait qualifier d'écrasante.

L'ambiance est extraordinaire. Il semble que chacun ici, quelle que soit son origine, est venu dans un même but: continuer la lutte contre les Allemands, mais aussi contre les Italiens, qui nous ont, lâchement, déclaré la guerre, dés qu'ils se sont aperçus, que la bataille de FRANCE était perdue, par la FRANCE. Nous nous promettons déjà, de leur démontrer, plus tard, qu'ils ont fait un mauvais calcul.

Et, toute la journée, les arrivages se poursuivent, joyeusement accueillis par les hymnes nationaux. Le plus souvent, c'est la MARSEILLAISE ! Toujours impressionnant d'entendre notre hymne national, en pays étranger. Interrogatoires plus poussés aussi. Nous déclarons, tout ce que nous savons, sur les mouvements des troupes Allemandes, observés avant notre départ.

Les Anglais cherchent aussi à détecter, parmi nous, les brebis galeuses, qui auraient pu essayer de s'infiltrer. La guerre des espions, (La cinquième colonne), bat son plein.

Le premier lieu public, étant devenu trop petit, nous, les Français, sommes transférés dans un autre lieu public de LONDRES.

Mon premier désir, avait été ,  de m'engager dans la R. A. F. (ROYAL AIR FORCE).

Là aussi, il va y avoir du changement, par rapport aux prévisions !

Un beau jour, nous voyons apparaître un Aspirant français, qui nous déclare, faire partie de l' Etat- Major du GENERAL DE GAULLE, qui a l'intention de reformer, au plus vite, des forces françaises motorisées, et de reprendre aussitôt le combat.

Que, dans cette intention, il aurait lancé, le 18 Juin, un appel à tous ceux qui pourraient l'aider, dans cette tâche nationale.

Et l'Aspirant d'ajouter:" Je venais donc voir si, parmi vous, il y aurait des volontaires, pour faire partie, de cette nouvelle armée française".

A ce moment, parmi nous, un Adjudant -Chef a demandé à l'Aspirant:" Pardon, Mon Lieutenant, vous ne pourriez pas poser la question, autrement?".

" Eh bien, dit l'Aspirant, puisque vous le prenez sur ce ton, quels sont ceux, qui ne seraient pas volontaires?".

Un seul doigt s'est levé, navré, mais le regret était tellement sincère, que cela a entraîné, chez tous, un grand mouvement de sympathie. Physiquement, le détenteur du doigt, n'avait pas été favorisé par la nature, et aurait, de toute évidence, été déclaré INAPTE.

"  Parfait" dit l'Aspirant, l'important, désormais, est, de ne pas perdre de temps. Je demanderai donc, aux sous-officiers, de sortir des rangs, de s'aligner, et de choisir leurs hommes, à tour de rôle."

Très rapidement, nous nous sommes trouvés, à une dizaine de" bleus", derrière le sous-officier, qui nous avait choisis.

 Et c'est ainsi, que nous avons commencé, notre première manoeuvre à pied, sans armes, avec l'extraordinaire bonne volonté, l'enthousiasme du volontaire, qui a choisi son destin, en toute connaissance de cause.

 Et puis, un jour, nous avons eu la visite, du Général DE GAULLE, grand, jeune, sûr de lui, avec des mots convaincants, allant droit au coeur de chacun. Impression unanime: nous étions sûrs, maintenant, d'avoir un chef, UN VRAI.

Dès ce jour, le désir de bien faire, de travailler d'arrache-pied, s'est affirmé. Un mot, si à la mode, pendant la drôle de guerre, jusqu'à la débâcle:" FAYOT", était banni de notre vocabulaire.

 Un beau jour, notre vie londonienne, a pris fin, et nous avons été dirigés, dans la région d' ALDERSHOT, (Non loin d'OXFORD), sur" DELVILLE CAMP"; tout près de" MORVAL CAMP", déjà occupé par les Légionnaires de la 13eme D. B. L. E., revenus de NARVIK, en NORVEGE, avec les Chasseurs de la Région niçoise (Une des rares petites victoires françaises de 39/4O).

 Le contact avec la Légion, a été très important, pour nous les jeunes. L'exemple d'une troupe, VOLONTAIREMENT disciplinée, cherchant la PERFECTION en tout, y compris la tenue, le respect absolu du Chef, des couleurs. Une telle troupe est INVINCIBLE.

 Et puis, le l4 Juillet l94O est venu. Transportés à LONDRES, nous avons défilé, une partie, dont moi, en civil, derrière une banderole (Volunteers for General de GAULLE'S Army), sous les ovations, d'un public enthousiaste (Vive la FRANCE). Après avoir vu un film, dans un grand cinéma de LONDRES, où TOUTES LES FORCES, pour le moment, de DE GAULLE, étaient rassemblées, nous avons été ramenés à DELVILLE CAMP.

 Et, dès le lendemain, nous avons abandonné, sans regrets, nos pauvres vêtements civils, qui avaient beaucoup souffert, depuis notre départ de FRANCE, les chaussures surtout, pris une bonne douche, perçu une première serviette, et nous nous sommes habillés, au fur et à mesure, de notre passage, devant les stands (en commençant par le caleçon ! battle-dress anglais et finissant par le béret noir, et le manteau britannique!

 Habillés de pied en cap, avec le paquetage réparti dans les sacs dorsaux, musettes et l'inévitable sac marin. Gamelles, bidon, uniforme totalement anglais. Seul signe distinctif, notre nationalité" FRANCE" figurant, en haut des manches de nos vestes et manteaux. Tout le monde sait maintenant, que nous appartenons aux FREE FRENCH FORCES, ou FORCES FRANCAISES LIBRES.

 Nous avons également, le casque plat anglais (dont le port est obligatoire, au cours des nombreuses et, parfois, bruyantes, alertes aériennes), les équipements, ceinturon, cartouchières et le fusil ENFIELD, avec lequel nous allons faire la manoeuvre à pied, avec armes, à la française (En trois temps, à cette époque). Y-Marzin-002b1.gif

 Des candidats pour les Transmissions, ayant été demandés, (Avec promesse, d'être engagés les premiers au combat, si réussite), je me lance dans l'étude du Morse. Au bout de trois semaines, mes résultats sont encourageants, mais la priorité transmissions, a disparu du programme, et je me retrouve dans l'Artillerie de Campagne, comme servant de 75. Ceux que nous avons, reviennent de NORVEGE, où ils ont fait du bon travail. Leur réputation n'a pas encore terni.

 J'apprends, successivement, toutes les fonctions, en commençant par les plus simples: pourvoyeur, chargeur, pointeur en hauteur, artificier, puis pointeur en direction. Assez fort en calcul mental, je deviens rapidement, pointeur en direction attitré, et moniteur pour toutes les fonctions.

 L'instruction fait rage. Les mises en batterie, de plus en plus rapides. L'ENTHOUSIASME est tel que, le soir, après dîner, comme il fait encore jour, nous allons voir notre Maréchal des Logis (HETIGIN), chef de pièce, pour lui demander, l'autorisation de reprendre l'instruction, jusqu'à la nuit. Pris au jeu, il en reprend le commandement.

 Le résultat est tel que, aux écoles à feu de SALISBURY, le Général d'Artillerie britannique, est plutôt estomaqué, devant cette vitesse d'exécution, et le manque total d'erreurs. (Cette hantise de l'Artilleur, qui se sentirait déshonoré, si l'un seulement de ses obus, allait endommager les troupes, qu'il est chargé d'appuyer ou de protéger).

 De bonnes nouvelles arrivent, pour les FORCES FRANCAISES LIBRES. Par son audace et ses qualités militaires, hors du commun, un capitaine, promu commandant par DE GAULLE, et se faisant, par ruse, passer pour Colonel, (LECLERC), a réussi à rallier à la FRANCE LIBRE, toute l'AFRIQUE EQUATORIALE FRANCAISE. Donc il va falloir des cadres. D'ores et déjà LES TROUPES DE DE GAULLE NE POURRAIENT PLUS TENIR, DANS UN SEUL CINEMA DE LONDRES !

 Un peloton d'Aspirants d'Artillerie de 32 élèves, va être mis sur pied, en ANGLETERRE. Pour désigner les candidats, un examen de culture générale est d'abord organisé, et j'ai la surprise, d'en sortir avec un rang, plus qu'honorable ! Les 32 premiers seront Elèves Aspirants.

 Nouveau travail acharné, puis examen de sortie. Je suis 32eme sur 32 ! Les 28 premiers (X, ou admissibles à l'X), sont nommés aspirants. Les 4 derniers (Niveau Bac) sont nommés Maréchal des Logis, pour compter du 1er Mai 1941.

 Me voilà Sous-officier et, au fond, pas trop déçu. J'obtiens la 4eme pièce, celle qui doit rester sur la position, pour permettre le repli éventuel des trois autres.

  Changement de décor, maintenant il faut apprendre le 40 Bofors antiaérien, et former de nouveaux pelotons de pièce. Qu'à cela ne tienne, il faut s'adapter à tout, on s'adapte à tout, et, aux écoles à feu, du côté de ST AGNES, dans les CORNOUAILLES, l'équipe française est notée, comme paraissant indisciplinée, mais terriblement efficace. (Ayant endommagé la manche, sans atteindre l'avion tracteur !)

 Dans une armée moderne, tout le monde doit savoir conduire. Chacun s'y est employé, sur DK5 PEUGEOT (avec volant à droite) d'abord, puis sur tout le matériel, revenant de NORVEGE: tracteur P 107 semi-chenillé, pour le 75. Somua de dépannage, puis Bedford et Fordson anglais.

 Fin Août 41, mouvement, par train, direction LIVERPOOL.


 
 

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