Nous sommes partis, à trois, en moto, volontaires bien sûrs,
et décidés à bien éclairer la colonne. Le plus
fort de nous trois, a deux années d'expérience en moto. Quant
aux deux autres, nous avons, chacun, trois semaines! Comme c'est grisant,
de pouvoir foncer devant, sur la piste, et de revenir annoncer que tout
va bien. 3OO kilomètres sont avalés ainsi, merveilleusement
bien. La désillusion n'en sera que plus forte. Premier banc de sable
de 3O mètres: pied à terre, et on pousse la lourde moto,
qui cale en première. Quelques kms de bons, puis nouveau banc de
sable, plus long que le premier !
On finit par se faire dépasser, par toute la colonne.
Le dépanneur est intelligent, et connaît déjà
le chemin, que nous allons parcourir: des milliers de kilomètres
de sable !
Résignés, tout penauds, nous montons dans le dépannage,
avec nos motos et, à l'arrêt suivant, notre Commandant de
Batterie, nous répartit dans d'autres véhicules, où
notre présence sera plus utile, beaucoup plus utile !
Nous sommes trois Européens, dans un Fordson, ce ne sera
pas de trop, pour déblayer le sable, et placer les lourdes tôles
(Fûts de 2OO litres, dont on a enlevé les fonds, découpé
dans le sens de la hauteur, puis replié, pour que ce soit plus solide.
Après MOUSSORO, nous sommes passés à KORO TORO,
puis ZOUAR. Avons franchi le TIBESTI, pour plonger sur le FEZZAN (Italien
avant la reconquête, en trois semaines, par LECLERC). Ensuite, nous
rencontrons UIGH EL KEBIR, GATROUN, OUM EL ARANEB, BRACK, MIZDA, NALUT,
KSAR RHILANE, BORDJ LE BOEUF (en TUNISIE) et EL HAMMA, près de GABES.
Les paysages rencontrés, sont extraordinairement variés,
des dunes, où les distances ne peuvent s'évaluer, que par
la taille apparente des chameaux rencontrés. Des regs, dévastateurs
pour les ressorts et les amortisseurs, du fech-fech, où la vitesse
du véhicule, passe brusquement, de 8O Kmh à O, avec du sable,
(Farine !) jusqu'à la caisse. Des journées entières,
pour franchir trois kilomètres, de longues randonnées plus
faciles. Transport des tôles, pour aider les autres camions en difficulté.
La solidarité est totale dans le désert. Quelques jours de
vent de sable aussi. Impossible de rouler. On s'installe sous une bâche
et l'on se relève de temps en temps, lorsque le sable qui tente
de nous ensevelir, devient trop lourd.
Trésors d'ingéniosité, également,
dans les dépannages. Ressort de soupape cassé, remplacé,
provisoirement, par un tronçon de ressort, sensiblement du même
diamètre et destiné, à l'origine, à amortir
les chocs, risquant de détériorer les bidons d'eau.
Notre jonction avec la 8eme Armée britannique (DE MONTGOMERY)
a été bénéfique pour tous. Amortisseurs, lames
de ressort, carters, notre matériel a été ragaillardi.
La marche en avant a repris, sur l'aile gauche de la 8eme Armée:
KAIROUAN et les Djebels, plus au Nord.
Le 8 Mai 43, la radio annonce: TUNIS est libérée.